Propos de Zemmour sur les enfants handicapés: le revers de la polémique
Comme d'autres, le candidat avance que l’obsession égalitariste ne peut pas servir de paravent à l’abandon des écoles spécialisées...
Depuis vendredi, toute la classe politico-médiatique tombe à bras raccourcis sur Eric Zemmour, suite à des propos sur les enfants handicapés, en réalité largement déformés.
Le philosophe Julien Freund avait été profondément marqué par les conséquences d’une torsion de la vérité à laquelle il refusa de prendre part. Pendant la résistance, le chef du groupe auquel il appartenait avait accusé son ancienne maîtresse de collaborer avec la gestapo, après qu’elle eut rompu avec lui ; un procès expéditif fut suivi d’une nuit durant laquelle l’innocente fut violée par les résistants communistes avant d’être exécutée au petit matin. Toute proportion gardée, la méthode du procès expéditif vient encore de faire les preuves de sa praticité, l’écho étant démultiplié dans les médias.
À l’affût d’une faute d’Éric Zemmour, des journalistes et la classe politique se sont précipités sur les mots du candidat quant à l’inclusion de certains enfants handicapés pour se dire choqués en commentant des propos manipulés par leurs soins, chacun des accusateurs trouvant son intérêt dans son indignation feinte. Franchissant ainsi la ligne rouge séparant la décence de l’instrumentalisation d’une cause grave. Libération a même modifié un titre qui pouvait laisser penser que Zemmour avait raison (voir plus bas).
Discutant vendredi avec des professeurs à Honnecourt-sur-Escaut dans l’Aisne, Éric Zemmour avait été interpellé par une enseignante confrontée à la souffrance des enfants handicapés dans ses classes. L’ancien chroniqueur lui avait répondu « qu’il faut effectivement des établissements spécialisés, sauf pour les gens légèrement handicapés évidemment », avant d’ajouter : « pour le reste, oui, je pense que l’obsession de l’inclusion est une mauvaise manière faite aux autres enfants et à ces enfants-là, qui sont, les pauvres, complètement dépassés par les autres enfants. Donc je pense qu’il faut des enseignants spécialisés qui s’en occupent. » Il a depuis précisé qu’il ne parlait pas du handicap physique et craindre que « l’obsession égalitariste soit le paravent de l’abandon des écoles spécialisées ».
Une instrumentalisation politique malvenue et incohérente
De l’extrême gauche à Marine Le Pen, en passant par Valérie Pécresse qui décida en 2018 de piocher 730 000 euros dans le budget handicap de sa région pour financer une consultation sur les autoroutes, tous pratiquent l’indignation ostentatoire. Emmanuel Macron, qui avait récemment parlé d’emmerder les non-vaccinés, a pu tenter de faire oublier ses mots pour l’instant peu rentables en accusant Zemmour de stigmatiser et diviser. L’appui de parents d’enfants handicapés et de personnalités, y compris comme Céline Pina ou Zohra Bitan, aux propos d’Éric Zemmour, est globalement passé sous silence. Idem concernant celui de Marie-Anne Montchamp, secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées de 2004 à 2005, que revendique le candidat et qui n’est pas démenti.
Les deux rivales de droite d’Éric Zemmour s’en sont donné à cœur joie, alors que leurs propositions pourraient être comprises comme allant quelque peu dans son sens. Valérie Pécresse déclare dans son programme qu’il faut « mettre en œuvre la scolarisation en milieu ordinaire jusqu’à la fin du collège à chaque fois que c’est possible ». Marine Le Pen affirmait début décembre que « tous les enfants qui peuvent être scolarisés doivent l’être que ce soit en milieu ordinaire ou en ULIS (Unité localisée pour l’inclusion scolaire) ! » Zemmour ne dit pas autre chose, mais avec une formulation renversée : ceux qui ne le peuvent pas seraient plus épanouis dans des établissements adaptés qu’il faut renforcer.
C’est surtout sa critique de l’idéologie de l’inclusion primant le réel qui sert à tenter de faire croire qu’il veut rejeter les enfants handicapés.
Des critiques opportunistes négligeant la réalité
Nul pour rappeler la situation mise en avant par l’enseignante qui faisait part à Zemmour des difficultés. Nul pour se soucier des parents d’enfants atteints de handicaps mentaux contraints de scolariser leurs enfants en Belgique, faute d’écoles spécialisées en France, conséquence de la loi sur l’inclusion. Un reportage de France 2 datant de 2014 [1] témoigne de ces difficultés : des enfants doivent faire des trajets en taxi – y compris depuis Paris – pour rejoindre leurs écoles belges, les frais étant pris en charge par la Sécurité sociale. 3 000 enfants étaient alors concernés. Une situation rappelée ce week-end par le candidat sur France 3 dans l’émission « Dimanche en politique ».
Sur Facebook, l’essayiste de gauche Céline Pina a abondé dans le sens du candidat : « Avant d’enfourcher tout de suite le thème de la dénonciation du 3eme Reich, suite à la proposition d’Éric Zemmour sur le handicap, on peut aussi respirer un coup et ouvrir les yeux sur le fait que tous les handicaps ne peuvent être accueillis à l’école. Notamment les autismes lourds ou les handicaps mentaux. » Mentionnant la souffrance des parents et des enfants confrontés à cette inadaptation, Céline Pina affirme que le discours sur l’inclusion « a été un attrape-gogo et a servi à tous les gouvernements à se donner bonne conscience tout en laissant tomber la problématique du handicap. » Une hypocrisie qui a permis de réaliser de « substantielles économies », relève-t-elle.
Un biais médiatique relevant du parti pris
Si les témoignages de parents d’enfants atteints de handicaps affluent en faveur d’Éric Zemmour sur Twitter ou Youtube, les médias ont choisi de ne retenir que les critiques de certains représentants associatifs. Ont été mises en avant la colère de Jean-Louis Garcia, président national de l’Association pour adultes et jeunes handicapés, parlant de « ségrégation », ainsi que celle de la journaliste Olivia Cattan, présidente de SOS autisme France – et un temps pressentie pour être candidate sous l’étiquette La France insoumise aux législatives de 2017 – dénonçant des propos « discriminatoires » et une « méconnaissance » du candidat sur le sujet.
Ces deux responsables objectent à Zemmour la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Ce renvoi à la loi n’est cependant pas argument d’expérience qui contredirait Zemmour, mais un argument d’autorité alors que c’est cette norme qui engendre le problème.
La présentation biaisée par des médias militants
Les propos ont généralement été restitués par la presse écrite, les autres médias les ont résumés, mais tous ont insisté sur la polémique, souvent en présentant d’emblée Zemmour comme le candidat non pas de Reconquête mais « d’extrême droite », une façon d’indiquer par quel prisme entendre ses dires.
Du côté de Libération, on a carrément remplacé le premier intitulé d’un billet « Scolarisation des élèves handicapés : Et si Zemmour avait raison ? » par « Scolarisation des enfants handicapés : si l’école déraille, Zemmour défaille ». Il ne faudrait pas que des lecteurs survolant les titres pensent mal…
Dans Challenges, Maurice Szafran a signé un éditorial intitulé « Zemmour ou la définition du salaud en politique ». Après avoir assuré que le candidat s’en prenait aux immigrés et aux Juifs, afin de bien convaincre de la nocivité de ses propos sur les enfants handicapés, Szafran a poursuivi sa tentative de convaincre en cherchant à discréditer ses objections par la reductio ad hitlerum et l’émotion : «”Faux procès”, clame le candidat raciste, “mots détournés”, insiste-t-il. Ses explications a posteriori ne lui servent à rien car cette sortie sur les enfants handicapés a provoqué émotion, chagrin, et colère dans les tréfonds de la société française. » Ainsi présentée, la charge est censée ne pas pouvoir être réfutée.
Que Szafran ait été accusé en mars 2017 par la Société des Journalistes de Challenges de rouler pour Macron et de manquer d’équilibre dans ses papiers ne doit, bien entendu, pas laisser penser qu’une telle attaque est militante…
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