La colère déclenchée à Marseille par la décision unilatérale du gouvernement de fermer bars et restaurants nous permet de lire à livre ouvert les prétentions dominatrices de l’Etat macronien vis-à-vis du suffrage universel, dénonce le maire LR de Chalon-sur-Saône
Ayant pris depuis fin août des mesures drastiques en matière de port obligatoire du masque dans l’hyper-centre de Chalon-sur-Saône, à un moment où l’Etat n’y songeait même pas, je suis à l’aise pour débattre aujourd’hui des conditions dans lesquelles nous devons tous faire preuve de responsabilité dans la lutte contre la propagation de l’épidémie.
Or, la fermeture des bars et restaurants marseillais, décrétée depuis Paris, a été arrêtée de la pire des façons. Sans explication et sans débat préalable avec les élus locaux, elle a été perçue dans la cité phocéenne, par toute la population, comme un couperet injuste qui s’abat sur l’économie locale, au point d’en affaiblir dramatiquement nombre de forces vives. Que cette fermeture soit justifiable, nous convenons que la question puisse raisonnablement être posée. Mais pas ainsi ! Pas dans le mépris des autorités désignées par le suffrage universel, qui demeurent en première ligne pour lutter contre l’épidémie et qu’on foule aux pieds de la pire des façons. On ne peut pas encenser les maires pour leur gestion de la crise au printemps et les envoyer pareillement promener à l’automne.
Et ce n’est peut-être pas fini. Piétiner les élus pourrait mécaniquement aiguillonner l’envie de piétiner les électeurs. Une musique insidieuse monte en effet depuis quelques heures sur le report des élections régionales et départementales programmées en mars prochain.
Tentative. Le contexte politique est bien connu : convaincu qu’après des municipales et des législatives partielles catastrophiques pour lui, il a tout à perdre au résultat des élections annoncées pour mars 2021, le président de la République cherche depuis un moment le moyen de les repousser. Oui, dans une République réputée démocratique, le président cherche à repousser les élections ! Ce scandale se passe en France, en 2020. Une première tentative a eu lieu en ce sens il y a quelques mois avant que M. Macron n’y renonce devant la réaction outrée de nombre de présidents de Région soucieux de conserver le calendrier annoncé depuis bien longtemps.
Or, la perspective du désastre électoral à venir se fait de plus en plus forte pour le parti présidentiel et l’on sent bien, alors que le décret de fixation de la date des élections n’est étonnamment toujours pas signé, que la tentation du report tenaille affreusement l’Elysée.
L’argument pour franchir le pas, nous le pressentons tous : l’épidémie ! C’est elle qu’on voudrait bien convoquer pour nous dire qu’après avoir comprimé une grande partie de nos libertés (à commencer par la liberté d’aller et venir et celle de nous réunir), elle nous commanderait demain de nous serrer la ceinture démocratique en tirant un trait sur des élections qui seraient des nids à contamination…
Allons ! Quel plus grand danger y a-t-il à se rendre dans un bureau de vote qu’à faire ses courses dans un supermarché ? Aucun ! Après son domicile, le bureau de vote, nettoyé, aseptisé, masqué, hydroalcoolisé, est l’endroit le plus sûr de France.
Eh quoi ? Ne sommes-nous pas le peuple français ? La peur, qui arrange tant les affaires du pouvoir, que celui-ci l’entretienne involontairement par l’indécision de ses orientations sanitaires ou sciemment pour des motifs de basse politique, la peur doit-elle nous faire oublier à quel point le suffrage est pour nous un droit sacré ?
Faudra-t-il, pour nous en convaincre, plonger dans notre histoire ? On y verra des élections maintenues, revendiquées même, dans des périodes bien plus redoutables que la nôtre. La France révolutionnaire en guerre est pleine de ces exemples. Mais nul besoin de remonter si loin : quand, après la nuit de l’occupation nazie, de Gaulle décide de convoquer les électeurs au printemps 1945 pour reformer les municipalités, le sol de la Patrie est à peine libéré et nos soldats continuent de se battre contre l’ennemi allemand. La guerre n’est pas finie : qui songerait alors à reporter les élections ? Personne !
Tombeau. Plus près de nous encore : voyons 2015, notre dernier scrutin régional. Aurait-on déjà oublié le contexte dans lequel les élections se sont déroulées, trois semaines seulement après le massacre du Bataclan ? Aurait-on oublié que la menace terroriste était à son point culminant, que nous surveillions alors nos écoles comme des cibles potentielles et que chacun craignait qu’un bureau de vote fût la cible privilégiée d’un nouvel attentat islamiste ? A-t-on pour autant renoncé à laisser parler le suffrage ? A-t-on reporté les élections ? Eh bien non ! On les a maintenues, conscient de la menace, mais convaincu qu’une démocratie creuse son tombeau en cédant devant la peur.
Allons ! Ne laissons pas faire ce gouvernement qui nous piétine depuis trop longtemps. Ne le laissons pas nous arracher le droit de désigner nous-mêmes nos représentants, au fallacieux prétexte qu’un virus nous barrerait l’entrée de l’isoloir.
La peur peut nous travailler, c’est humain. Mais il doit bien rester en nous un vieux fonds de courage français pour résister à ce qui serait un nouveau coup de force gouvernemental.
Gilles Platret est maire LR de Chalon-sur-Saône et candidat aux élections régionales en Bourgogne-Franche-Comté.