extrait du journal " LE MONDE"
De la tunique de saint Louis aux abeilles situées sur le toit de l’édifice religieux, retour sur huit éléments que vous ignoriez peut-être sur la cathédrale.
La cathédrale ravagée en partie par un incendie lundi soir est au cœur du patrimoine historique français. Voici huit histoires et anecdotes sur Notre-Dame de Paris.
Le monument le plus visité de France en quelques chiffres
Avec 13 millions de visiteurs chaque année, environ 30 000 par jour, Notre-Dame de Paris
est le monument français le plus visité, devant la basilique du Sacré-Cœur. Des prêtres aux agents d’accueil, soixante-sept salariés y travaillent au total. Cinq offices sont célébrés par jour, avec les fêtes et célébrations, soit plus de deux mille célébrations par an. D’une superficie de 4 800 mètres carrés, l’édifice
a été construit à partir de 1163, en présence du pape Alexandre III. Il ne sera achevé que plus de cent ans plus tard, en 1272, selon le site de la cathédrale.
Dans les siècles qui ont suivi, la cathédrale a connu plusieurs campagnes de travaux, dont une grande restauration au XIXe siècle. Le célèbre mariage entre le futur Henri IV et Marguerite de Valois y a été célébré en 1572. C’est aussi à Notre-Dame que Napoléon 1er a été sacré empereur des Français en 1804. La cathédrale a accueilli les cérémonies religieuses des funérailles des présidents Charles de Gaulle, Georges Pompidou et François Mitterrand.
Des reliques du Christ conservées à Notre-Dame
Plusieurs reliques
sont conservées dans la cathédrale, dont la plus précieuse est la sainte couronne. Selon la croyance catholique, cette couronne composée d’un cercle de joncs réunis en faisceaux et retenus par des fils d’or était posée sur la tête de Jésus avant sa crucifixion. Notre-Dame de Paris conserve aussi un fragment du bois de la croix et un clou. Ces reliques ont
été sauvées des flammes, ainsi que la tunique de saint Louis. En revanche, trois reliques nichées dans le coq surmontant la flèche (une parcelle de la sainte couronne d’épines, une relique de saint Denis et une de sainte Geneviève) ont disparu dans l’incendie.
La cathédrale possède trois orgues, dont le plus grand, qui a été construit à partir du XVe siècle, possède cinq claviers et huit mille tuyaux. Dans le sanctuaire, plus de trente statues de la Vierge décorent les lieux, notamment une Vierge à l’enfant sculptée au XIVe siècle. Seize statues d’apôtres décrochées de la flèche et transportées, le 13 avril, à Périgueux pour être rénovées
ont échappé au sinistre. Trois rosaces, construites au XIIIe siècle et rénovées plusieurs fois, décorent l’édifice. Les vitraux des rosaces
semblent avoir été épargnés.
Notre-Dame compte aussi plusieurs cloches. La plus grosse, le bourdon et ses 13 tonnes, se situe dans la tour sud. Elle est sonnée lors des fêtes catholiques et autres grands événements. On trouve aussi dans la cathédrale de grandes toiles surnommées les «
grands Mays », commandées presque chaque année entre 1630 et 1707 par la corporation des orfèvres parisiens pour les offrir en l’honneur de la Vierge Marie. Elles ont été évacuées
en lieu sûr.
La « forêt » de la cathédrale et ses 1 300 chênes
C’est l’un des drames de l’incendie de Notre-Dame de Paris. La charpente de bois, l’une des plus anciennes de la capitale, mise en place entre 1220 et 1240, est
partie en fumée. Cette structure était baptisée
la « forêt » en raison du grand nombre de pièces de bois, chacune venant d’un arbre différent. Au total, 1 300 chênes ont été utilisés pour réaliser cette structure, qui mesurait plus de 100 mètres de long et 10 mètres de haut. Sur cette charpente reposait une toiture de plomb qui pesait 210 tonnes.
« Aux XIe et XIIe siècles, on couvrait les toits des églises de tuiles plates en raison des abondants gisements d’argile. Paris étant loin de tels gisements, on lui préféra le plomb »,indique la cathédrale sur son site.
Le point zéro des routes de France
La cathédrale sert de référence pour le calcul des distances entre Paris et les autres villes de France. Le « point zéro » utilisé par les cartographes est précisément matérialisé non pas dans le monument, mais sur le parvis, sous la forme d’une plaque en bronze représentant une rose des vents, installée en 1924. Il sert de départ aux routes nationales reliant les principales directions en France. Les points zéro sont généralement situés dans des monuments emblématiques des grandes villes : le sommet du Capitole à Rome, la statue équestre de Charing Cross à Londres, la Puerta del Sol à Madrid, la Maison Blanche à Washington…
Ce repère routier ne doit pas être confondu avec le « point géodésique » qui était situé sur la pointe de la flèche de Notre-Dame. Ces points, dont les coordonnées de localisation sur le globe sont connues avec précision, sont généralement situés en hauteur. Ils servaient, surtout avant la généralisation des GPS, de repères pour déterminer les distances et les coordonnées d’autres éléments. Après l’effondrement de la flèche, les points géodésiques les plus proches sont ceux situés à l’église Saint-Paul-Saint-Louis (4e arrondissement), au Panthéon (5e) et à Saint-Sulpice (6e).
Une ruche sur le toit
En 2013, une ruche a été
installée sur le toit de la sacristie. Offerte par l’apiculteur Nicolas Géant, cette ruche est composée d’abeilles de l’espèce frère Adam, dont
« l’une des principales caractéristiques est la douceur, vertu essentielle pour une apiculture urbaine », indique la cathédrale. En hébergeant cette ruche, Notre-Dame a souhaité participer à la préservation de la biodiversité.
Vandalisée pendant la Révolution, préservée pendant les guerres mondiales
Notre-Dame de Paris a pâti lors de la Révolution et de la période qui a suivi. Symbole du pouvoir monarchique et du catholicisme, la cathédrale a été pillée et ses biens vendus. Vingt-huit statues, dites « rois de Juda », ont été détruites, car on pensait, à l’époque, qu’il s’agissait de portraits des rois de France. Vingt et un fragments de ces statues portées disparues
ont été retrouvés en 1977 lors de travaux dans la cour d’un hôtel du 9e arrondissement.
A l’instar des autres édifices religieux, la cathédrale est rebaptisée en 1793 Notre-Dame-de-la-Raison et sert, plus tard, d’entrepôt des vins de la République. Le concordat de 1801 rétablira le culte catholique dans les églises. Les deux conflits mondiaux, eux, ont épargné la cathédrale. Le 26 août 1944, le général de Gaulle
s’y rend pour assister au magnificat.
Victor Hugo, sauveur de Notre-Dame
« Sans doute, c’est encore aujourd’hui un majestueux et sublime édifice que l’église de Notre-Dame de Paris. Mais si belle qu’elle se soit encore conservée en vieillissant, il est difficile de ne pas soupirer, de ne pas s’indigner devant les dégradations, les mutilations sans nombre que simultanément le temps et les hommes ont fait subir au vénérable monument. »
Publié en 1831,
Notre-Dame de Paris, de Victor Hugo, a été un
immense succès populaire. Les lecteurs prennent alors conscience de la nécessité de préserver un patrimoine délaissé en mauvais état. Dix ans après, le roi Louis-Philippe décrète la restauration de la cathédrale, qui sera assurée par deux architectes, dont le célèbre
Viollet-le-Duc. Sous sa supervision, plusieurs travaux
sont lancés, dont la reconstruction de la flèche, l’élévation de la nouvelle sacristie, la réfection du grand orgue, etc. Par ailleurs, l’architecte a donné son visage à l’une des douze statues des apôtres situées au pied de la flèche.
Nous n’allons pas « attendre cent sept ans »
Il est toujours difficile de remonter aux origines d’une expression courante. Pour l’expression « attendre cent sept ans »,
plusieurs théories sont avancées. Selon la plus répandue, il s’agit de la durée de la construction de la cathédrale. Là-dessus, les avis divergent, car les historiens ne s’accordent même pas sur une date précise de fin des travaux. L’autre théorie fait référence aux guerres de Cent Ans (1337-1453) et de Sept Ans (1756-1763). A elles deux, cent sept ans, donc.