Loi «sécurité globale»: le procès d’intention permanent
par Rémi Godeau
Entre sécurité et liberté, il faudrait donc encore choisir ? Tel est en tout cas le marché de dupes de la proposition de loi sur la « sécurité globale » (article 24) : au nom de la – légitime – protection des policiers en intervention, encadrer la diffusion d’images des forces de l’ordre, au risque d’imposer une vérité administrative et une autocensure générale. Comme si l’Etat de droit ne pouvait qu’opposer au désordre et à la perte d’autorité un nouveau sacrifice de nos principes fondamentaux…
Il ne s’agit pas de jouer les niais face à la violence de la société, mais de prendre au sérieux les avis des Nations Unies et de la Défenseure des droits, sévères sur les atteintes potentielles à la vie privée et à la liberté d’informer. Il ne s’agit pas davantage de verser dans l’angélisme, en niant les flots de haine à visée de lynchage charriés par les réseaux sociaux, mais d’alerter sur cette dérive propre aux systèmes liberticides : la lutte contre une menace réelle débouche sur une disposition répressive trop floue pour être sage.
Excessif, dans une vieille démocratie comme la France ? Pas vraiment. D’état d’urgence en loi d’exception, de couvre-feu en attestations, le citoyen est désormais sommé d’accepter sans mot dire des garanties diminuées, des entraves multipliées, des empiétements successifs… Il est censé se soumettre à toujours plus de restrictions jusqu’à ce que des circonstances dramatiques commandent d’autres privations, au prétexte d’une efficacité en fait jamais satisfaite. Sous contrôle social, il doit intégrer la suspicion permanente, le juge étant maintenant chargé d’évaluer l’intentionnalité (ici de nuire, là de haïr) plutôt que les délits.
Mieux que quiconque, l’avocat François Sureau a décrit ce moment où « la liberté n’est plus un droit, mais une concession du pouvoir ». Cette proposition de loi nous rapproche un peu plus de la bascule.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire