Retraites: le grand mensonge
On a appris incidemment il y a quelques jours que le Conseil d’orientation des retraites (COR), qui sert de boussole à nos gouvernements, leur avait caché la vérité depuis sa création en l’an 2000. Dans les contre-allées du pouvoir, le scandale est tellement énorme que tout est fait pour l’étouffer.
Pour commencer et pour faire simple, il faut se rappeler que le Conseil d’orientation des retraites donne le la aux gouvernements successifs, aux syndicats et aux professionnels de la chose, dès qu’il est question de prévisions financières sur le coût des retraites à l’horizon de 20 ans, 30 ans, 50 ans ou plus. C’est un organisme gouvernemental dépendant de Matignon installé dans les beaux quartiers de Paris, avenue de Ségur. Son dernier rapport daté du 18 mars dernier est tellement optimiste que le Huffpost a pu écrire : « Le principal régime public quasiment à l’équilibre, la grande caisse du privé en excédent et un âge de départ en légère hausse : les derniers résultats du système des retraites contrarient l’urgence d’une réforme “paramétrique” défendue par plusieurs candidats à l’élection présidentielle ». Par paramétrique, il faut entendre augmentation de l’âge de départ à la retraite.
Le COR prévoit en outre un retour à « l’équilibre » des comptes « vers le milieu des années 2030 » et ajoute que le poids des dépenses de retraites dans le PIB va sans doute baisser sur le long terme, les pensions n’étant pas indexées sur l’inflation au même niveau que les salaires. Sauf que tout cela est faux. Le Conseil d’orientation des retraites auquel nous ne ferons pas l’injure de donner la liste de ses membres, sauf le nom de son président, Pierre-Louis Bras, un énarque très social et très socialiste, ment sur toute la ligne. Et c’est peu de le dire.
Des sommes gigantesques pour mettre les compteurs à zéro
Une journaliste-enquêtrice du Figaro, Marie-Cécile Renault, écrit ainsi le 24 mai : « Le déficit affiché par le COR est largement minimisé, car il occulte totalement le déficit très important des régimes de retraite des fonctionnaires » et « occulter », le verbe est bien gentil ! On apprend dans son article que l’État – c’est-à-dire le contribuable – verse chaque année des sommes énormes pour mettre à zéro les compteurs des fonctionnaires. Dernièrement 13 milliards d’euros pour l’année 2020. Sans compter que l’État paie les cotisations de retraite des fonctionnaires à un niveau anormalement élevé : 74,3% pour ses fonctionnaires civils, 30,6% pour les agents des collectivités locales et des hôpitaux, alors que, dans le privé, les employeurs cotisent à hauteur de 16,5%.
Mais ce n’est pas tout. Après plus de 20 ans de silence malsain sur ces questions, on apprend également qu’il y a dans le système une gigantesque subvention cachée. Marie-Cécile Renault cite en effet un article de la revue Commentaire écrit par une certaine Sophie Bouverin, en réalité le pseudonyme d’un collectif de hauts fonctionnaires qui préfèrent rester anonymes et dans l’ombre, qui se conclut ainsi : « L’État paie ses agents autant pour leur garantir leur retraite que pour qu’ils soient actifs […] Si les employeurs publics cotisaient comme ceux du privé, un déficit structurel de 30 milliards d’euros apparaîtrait, donnant la vraie mesure du déséquilibre financier réel des retraites. » Une subvention cachée de 30 milliards d’euros de plus !
La Première ministre a maintenant du souci à se faire
Le plus extraordinaire dans tout cela, c’est que malgré ces 30 milliards de surcoût caché, chaque année et apparemment depuis très longtemps, les syndicats et le gouvernement continuent de se baser officiellement sur les prévisions tronquées du COR. Les syndicats répètent à l’envi qu’il n’y a pas lieu d’augmenter l’âge de départ à la retraite puisque « le régime est à l’équilibre ». Selon le grand manitou de la CFDT, Laurent Berger, « ce n’est pas l’urgence du moment ». Emmanuel Macron lui-même n’avait pas hésité à utiliser les informations du COR en 2017 pendant sa campagne électorale pour affirmer que rien ne pressait. Quant à Olivier Dussopt, le nouveau ministre du Travail, il continue de se baser sur les éléments du COR. Élisabeth Borne, la nouvelle Première ministre qui a promis de « ne pas mentir aux Français », a maintenant du souci à se faire devant un tel mensonge de son Conseil d’orientation des retraites, même si c’est un (très gros et très onéreux) mensonge par omission !
Agnès Verdier-Molinié, la dynamique directrice de la fondation iFRAP, sans doute la seule personne en France à toujours dire à ses concitoyens la vérité sur l’économie, est rapidement intervenue dans ce débat tronqué sur les retraites : dans une chronique aux Échos le 24 mai elle a écrit ceci : « Nos régimes de retraite publics sont exorbitants et génèrent chaque année des déficits cachés. De 30 milliards d’euros en 2020. Ce chiffre cruel et si longtemps dissimulé est issu d’un groupe anonyme – comme il se doit – de hauts fonctionnaires. »
Une réelle injustice entre les fonctionnaires et les salariés du privé
Ayant beaucoup de mal à cacher son écœurement, elle apporte une précision sur le déficit réel de notre système de retraite qui, dès lors, ne se monte plus à 13 milliards mais à un total de 43 milliards d’euros pour 2020 (13 + 30), et elle ajoute que « malgré la promesse forte d’une réforme systémique et universelle entre public et privé, rien n’a avancé. Pire, l’équité initialement affichée a été vite enterrée ». Pour conclure, elle estime que si la réforme du report de l’âge à 65 ans n’est pas actée bien avant la fin septembre 2022, « on peut déjà dire qu’il n’y aura pas de réforme des retraites digne de ce nom ».
Voici comment un énième mensonge permet à l’État en coulisse de consolider en permanence une réelle injustice entre les fonctionnaires et les salariés du privé. Pour en finir provisoirement sur ce sujet, le Conseil d’orientation vient de décider de reporter à septembre la publication de son rapport annuel qui était prévue le 22 juin. Non seulement l’État nous ment mais aussi les membres du COR nous mentent, les syndicats nous mentent et c’est le contribuable, appartenant en grande majorité au secteur privé, qui paiera l’addition, comme d’habitude…
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