Macron, le mauvais joueur
L’édito politique de Jérôme Leroy
24 mai 2022Un mois pour faire un gouvernement, des polémiques de surface, tout ça pour faire oublier des législatives plus difficiles que prévu.
Amuser le tapis, au poker, indique que l’on joue petit jeu en attendant une partie sérieuse. C’est exactement ce que fait Macron depuis sa réélection. Il a mis un mois à composer un gouvernement et une fois ce gouvernement composé, il a trouvé le moyen de faire naître au moins deux polémiques, histoire de distraire les citoyens des élections législatives qui ne vont pas être aussi évidentes que ça face à une
droite nationale toujours à un niveau élevé et, surtout, une gauche unie qui va présenter un seul candidat dans l’immense majorité des circonscriptions.
L’épouvantail NDiaye
Première polémique, celle-là est prévue et voulue : la nomination de Pap Ndiaye à l’éducation nationale. Blanquer, soigneusement absent de la campagne électorale pour ne pas perdre ce qu’il reste de profs votant pour Macron, a été remercié et prié de tenter de se faire élire député à Montargis, ce qui n’est pas gagné d’avance. Pour le remplacer, un universitaire brillant mais qui suscite, comme prévu, une levée de boucliers du côté de la droite. Le nouveau ministre serait un affreux représentant de la mouvance woke et a osé parler, naguère, de « violences policières ». Cela a suffi à faire, de manière très pavlovienne, chanter le chœur des vierges effarouchées qui confondent, comme Blanquer, la laïcité vue surtout comme un moyen de combat pour réduire les revendications des minorités et qui estime que l’urgence est de vaincre l’hydre « islamogauchiste », comme ils disent.
Rassurons-les, il faut que tout change pour que rien ne change. On vient d’apprendre que le chef de cabinet désigné par l’Élysée pour seconder le nouveau ministre est Jean-Marc Huard, ancien directeur général de l’enseignement scolaire, Degesco pour les intimes, c’est-à-dire vice-ministre. Huard est une des âmes damnées de Blanquer, qui a été brièvement connue du grand public, lors de la tentative pour créer sur les fonds publics, un syndicat lycéen maison, en fait une coquille vide, favorable à la catastrophique réforme du baccalauréat.
Autant dire que la marge de manœuvre du Pap Ndiaye est déjà extrêmement réduite. Et pendant ce temps-là, la grande misère de l’éducation nationale continue puisqu’on apprend par exemple, qu’à Annonay, des élèves préparent le bac de Français sans professeur de français…
Crapoteux
La seconde polémique, beaucoup plus crapoteuse et imprévue, c’est celle qui touche la prise de guerre Damien Abad, ancien président du groupe LR à l’Assemblée, qui, à peine nommé, se voit accusé par deux femmes de violences sexuelles et obligé d’indiquer que son handicap ne lui permet pas, sans assistance, d’avoir un rapport sexuel. On en est là. Pendant ce temps-là, évidemment, le pouvoir d’achat reste en berne, des pénuries sporadiques surviennent, un jour l’huile, un autre la farine, encore un autre la moutarde ou les bouteilles de verre.
Et, pendant ce temps-là, le nouveau gouvernement fait semblant d’agir. Bruno Le Maire, resté à l’Économie comme son collègue Darmanin à l’Intérieur – on ne change pas les rouages essentiels de la machine – annonce qu’il « demande » aux entreprises d’augmenter les salaires pour limiter la casse. C’est bien connu, en France, le patronat est composé de philanthropes à qui on n’a pas besoin d’imposer, en général dans la rue, un rapport de force, pour obtenir des améliorations de la condition salariale… Et puis, on évite aussi de parler de la retraite à 65 ans trop frontalement, ce chiffon rouge, au moins jusqu’à ce que la nouvelle Assemblée nationale soit élue.
Il nous reste juste à espérer que la Nupes, dans un mois, renvoie tout ce monde-là à ses chères études, et qu’on commence enfin à passer aux choses sérieuses en faisant du gouvernement Borne le plus court de l’histoire de la Vᵉ république.
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