Entre Bretagne et Normandie, à l'embouchure du Couesnon, le Mont Saint-Michel fut, il y a un millénaire, un haut lieu de la chrétienté occidentale, en concurrence avec Rome, Jérusalem et Saint-Jacques de Compostelle.
En 2001, le site a renoué avec ses origines monastiques avec l'installation de frères et sœurs des Fraternités monastiques de Jérusalem dans l'ancien logis abbatial. Mais c'est évidemment l'activité touristique qui l'emporte de très loin (3 millions de visiteurs par an). Des travaux de désensablement et le remplacement de la digue routière par une passerelle piétonnière devraient le rendre à son insularité.
Dès les temps mérovingiens, on note la présence d'ermites ou de moines sur les deux monts granitiques qui se dressent dans la baie du Couesnon : Tombe et Tombelaine.
La tradition attribue à Aubert, évêque de la ville voisine d'Avranches, la dédicace d'un premier sanctuaire, le 16 octobre 708, sur le mont Tombe. Ce faisant, l'évêque n'aurait fait qu'obéir à une injonction de l'archange Saint Michel. Il lui dédie le sanctuaire d'où le nom qui va rester au mont pour la postérité : le mont Saint-Michel.
Grâce à l'afflux de pèlerins et à sa situation exceptionnelle qui le met à l'abri des invasions (y compris pendant la guerre de Cent Ans), le sanctuaire ne va cesser de prospérer tout au long du Moyen Âge.
En 966, à la demande du duc de Normandie Richard Ier, des moines bénédictins de l'abbaye de Saint-Wandrille s'établissent sur le rocher, en remplacement des chanoines. Ils bâtissent une première église, Notre-Dame-sous-Terre, puis, entre 1060 et 1080, l'église abbatiale, chef-d'oeuvre de l'art roman.
L'abbaye s'illustre surtout dans l'étude et la copie de manuscrits (14 000 sont encore conservés dans le beau musée du Scriptorial d'Avranches !). Un moine d'origine grecque, Jacques de Venise, vit au monastère de 1127 à sa mort, vers 1150. Il en profite pour traduire l'essentiel de l'oeuvre d'Aristote du grec au latin, ainsi que le rappelle médiéviste Sylvain Gouguenheim (Aristote au mont Saint-Michel, 2008).
Le mont Saint-Michel atteint sa plus grande gloire sous la direction de Robert de Thorigny, élu abbé en 1154. Au siècle suivant, le roi de France Philippe Auguste, tout à sa joie d'avoir repris aux Anglais la Normandie, fait une grosse donation au monastère. Il s'ensuit la construction de remparts ainsi que de nouveaux bâtiments en style gothique au-dessus des précédents. C'est la « Merveille » dont la silhouette domine le mont (aumônerie, salle des hôtes, réfectoire, cellier, salle des chevaliers, cloître). Sa construction se déroule de 1211 à 1228.
Le monastère résistera aux Anglais pendant la guerre de Cent Ans, sous le règne de Charles VII. En décrépitude à la veille de la Révolution, il est bientôt transformé en prison d'État. C'est seulement en 1874 qu'il sera repris par l'administration des Monuments historiques.
L'église abbatiale du mont Saint-Michel témoigne de l'évolution de la décoration intérieure des églises médiévales au fil des modes et des restaurations.
Si nous nous fions à l'apparence actuelle de nos cathédrales, nous pourrions croire que la pierre apparente était le décor habituel des intérieurs médiévaux, ceci aussi bien pour les édifices religieux que civils. Mais c'est une idée fausse. En fait, tous les intérieurs possédant un peu d'importance ou dévolus à l'habitation étaient enduits à la chaux et souvent décorés de peintures plus ou moins élaborées. Cette habitude remonte à l'Antiquité.
À l'époque romane, les décors étaient généralement simples. Sur le fond blanc issu de l'enduit à la chaux, on traçait dans l'enduit encore humide des motifs architecturaux simplifiés. Les couleurs les plus courantes étaient le noir et le rouge. Les motifs reprenaient souvent les faux appareillages, les fausses arcades et les rinceaux. Le principe était de remplir de manière harmonieuse les grandes surfaces murales en donnant l'illusion d'une architecture idéale.
Avec l'architecture gothique, les surfaces murales se réduisent de façon importante. Le rôle des peintures décoratives se réduit par voie de conséquence au profit des vitraux. C'est ce que l'on peut observer à la « Merveille » du mont Saint-Michel.
Romanes ou gothiques, la plupart des abbatiales et cathédrales ont subi de profondes restaurations au fil des siècles et il n'y a plus guère qu'à la Sainte Chapelle de Paris (XIIIe siècle) que l'on puisse encore admirer une décoration murale d'origine.
Au XVIIIe siècle, on a commencé à supprimer de façon systématique les décors peints des églises et des cathédrales. Les enduits souvent dégradés ont été grattés jusqu'à la pierre. Cette mode a provoqué la disparition des décors les plus récents et parfois des plus anciens...
Toutefois, lorsqu'une peinture était refaite, on se contentait parfois de recouvrir l'ancien décor qui, bien que caché, était ainsi préservé. Aujourd'hui, dans les zones épargnées, les archéologues peuvent ainsi relever plusieurs décors qui se superposent et noter leur évolution. Notons qu'au XIXe siècle, un certain nombre d'églises ont été redécorées avec un décor médiévalisant mais dont la précision du tracé trahit la modernité.
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