Pourquoi le port du masque en extérieur est de plus en plus critiqué
FOCUS - Longtemps brandi par les autorités de santé américaines comme un argument en faveur du principe de précaution, le chiffre d'environ 10% de contaminations en plein air est en réalité très largement exagéré.
Très peu de contaminations en plein air
D'autres médecins, en revanche, n'ont de cesse de répéter depuis le début de la pandémie que le masque en extérieur est un gadget inutile, imposé par un principe de précaution poussé à l'extrême. Dans nos colonnes, le Dr Guillaume Barucq s'est - entre autres - fait leur porte-voix, écrivant dans une tribune que «le port du masque en extérieur est devenu une mesure plus politique que sanitaire, une mesure voyante qui donne une fausse impression de sécurité» et précisant en outre que l'inhalation du grand air, l'air marin en particulier, est, au contraire, plus que recommandée.
L'argument principal étayant l'inutilité du port du masque en extérieur reste surtout le très faible nombre de contaminations recensées en extérieur. Comme nous l'expliquions notamment en mars (au moment où les promenades de Parisiens le long des berges de Seine suscitaient la polémique), aucun cluster en plein air n'a été explicitement relevé par Santé Publique France depuis octobre 2020 . Une étude du Pr Arnaud Fontanet révélait par ailleurs en décembre dernier que ces contaminations représentaient certainement bien moins de 2% de l'ensemble des contaminations. Surtout, ce chiffre en réalité ne signifie pas grand-chose, puisque les situations en extérieur sont très variées et que seule une promiscuité prolongée avec d'autres personnes (dans une foule, une file d'attente...) ou le partage d'un repas, par exemple, comportent des risques avérés de contamination.
Pourtant, comme l'explique notamment le New York Times , les CDC américains (Centers for Disease Control, l'équivalent de nos Agences Régionales de Santé) continuent d'imposer le port du masque en extérieur aux personnes pas encore vaccinées, sur la base d'un chiffre fallacieux. On dénombrerait «un peu moins de 10% de transmissions du virus en extérieur», selon le Dr Rochelle Walensky, directrice des CDC, dans une communication officielle du 27 avril dernier relayée sur le site de la Maison-Blanche.
Or, ce chiffre ne tient pas la route. Le journaliste américain David Leonhardt a en effet cherché les études à l'origine de ce calcul, dont le résultat est contredit par tous les épidémiologistes qu'il a interrogés. La réalité serait cent fois inférieure : autour de 0,1 % seulement de contaminations en extérieur, d'après lui.
D'où vient alors cette erreur grossière ? Deux études en particulier semblent compter un nombre étonnamment important de contaminations en plein air : l'une du Medical Research Council parue en juin, l'autre de l'Université de San Francisco parue en février. Point commun entre ces deux études : tous les clusters de plein air recensés se trouvaient... à Singapour. L'air de ce pays y serait-il donc plus fétide qu'ailleurs ? Sans doute pas : tout simplement, la nomenclature utilisée pour y comptabiliser les clusters considère tous les chantiers comme des lieux d'extérieur. Les cas répertoriés sont donc automatiquement comptés comme des contaminations en extérieur... Ce qui n'est très probablement pas le cas pour la majeure partie d'entre elles.
La plupart des contaminations ont lieu hors de chez soi, mais l'on ne peut pas en déduire qu'elles ont lieu en plein air.
Citant d'autres études cette fois, le journaliste ajoute que beaucoup d'universitaires ont une vision très extensive des «lieux d'extérieur», et y incluent parfois jusqu'aux lieux de travail, de loisirs, de commerce, etc. Bref, tous les lieux situés à l'extérieur... du domicile, mais pas nécessairement en plein air. Le biais est donc celui-ci : on a certes raison de considérer que la plupart des contaminations ont lieu hors de chez soi, mais l'on ne peut pas en déduire qu'elles ont lieu en plein air, ou du moins cet indicateur ne suffit pas à justifier d'imposer spécifiquement le port du masque en plein air.
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