Le 12 mars 1930, Mohandas Karamchand Gandhi entame une « marche du sel ». C'est la première application concrète de sa doctrine de la non-violence.
Par André Larané pour Hérodote
La non-violence à l'oeuvre
Dans les années précédentes, le Mahatma a multiplié les manifestations non-violentes et les grèves de la faim en vue d'obtenir pour l'empire des Indes un statut d'autonomie analogue à celui dont bénéficient les colonies à population européenne telles que le Canada ou l'Australie.
Faute de résultat, certains membres de son parti, le parti du Congrès, s'impatientent et menacent de déclencher une guerre en faveur de l'indépendance.
Gandhi, pour ne pas être débordé par les extrémistes de son parti, avertit le vice-roi des Indes que sa prochaine campagne de désobéissance civile aura pour objectif l'indépendance. C'est ainsi qu'il quitte son ashram (monastère) des environs d'Ahmedabad, au nord-ouest du pays, accompagné de quelques dizaines de disciples et d'une meute de journalistes.
À sa sortie de l'ashram et tout le long du parcours, des foules de pélerins lui font une double haie d'honneur et tapissent le sol de pétales de fleurs. Un certain nombre se joignent au cortège.
Le monde entier a les yeux fixés sur Gandhi. Mais comme on le voit ci-après dans l'extrait de L'Ouest-Éclair (15 mars 1930), on ignore encore l'objectif précis de cette « marche des martyrs » (source : BNF, Retronews).
Extrait de L'Ouest-Éclair (15 mars 1930)
Pour une poignée de sel
Après un parcours à pied de 300 kilomètres, le cortège arrive le 6 avril à Jalalpur, au bord de l'océan Indien.
Gandhi s'avance dans l'eau et recueille dans ses mains un peu de... sel. Par ce geste dérisoire et hautement symbolique, il encourage ses compatriotes à violer le monopole d'État sur la distribution du sel.
Ce monopole oblige tous les consommateurs indiens, y compris les plus pauvres, à payer un impôt sur le sel et leur interdit d'en récolter eux-mêmes. Il est analogue à l'impôt de la gabelle sous l'Ancien Régime, en France.
Sur la plage, la foule, grossie de plusieurs milliers de sympathisants, imite le Mahatma et remplit des récipients d'eau salée. L'exemple se répand dans tout le pays... À Karachi comme à Bombay, les Indiens font évaporer l'eau et collectent le sel au vu des Anglais. Ces derniers jettent alors plus de 60 000 contrevenants en prison.
Les Indiens, fidèles aux recommandations de Gandhi, se gardent de résister. Le Mahatma lui-même est arrêté le 4 mai 1930. Ironique, il lance à ses geôliers : « Je vais enfin pouvoir dormir ! » Au bout de neuf mois de ce repos forcé, le vice-roi reconnaît son impuissance à imposer la loi britannique. Il libère tous les prisonniers, y compris le Mahatma, et accorde aux Indiens le droit de collecter eux-mêmes le sel.
Vers l'indépendance
Le Premier ministre travailliste Ramsay MacDonald, plus perspicace, ouvre dès le 13 novembre 1930 à Londres, sous l'égide du roi George V, une première table ronde destinée à débattre d'une hypothétique indépendance de l'Inde.
En prison comme la plupart des chefs hindous du Congrès, le Mahatma n'y assiste pas mais il est convié, l'année suivante, à une deuxième table ronde. Il est reçu en triomphe à Londres par les libéraux britanniques qui se résignent à une prochaine indépendance de l'Inde. Cependant, celle-ci est retardée par la Seconde Guerre mondiale et les dissensions entre hindous et musulmans.
Le 15 août 1947, l'Empire des Indes devient enfin indépendant mais au prix d'une sauvage guerre religieuse et d'une scission entre Inde et Pakistan. Gandhi y perd la vie.
La « marche du sel » apparaît aux Indiens comme l'équivalent de la « Tea Party » de Boston qui a conduit à l'indépendance des États-Unis.
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