mercredi 24 février 2021

LES GAFA ET LA DEMOCRATIE

 


La loi nationale doit soumettre les GAFA à la démocratie

Une tribune de Bernard Carayon et Thibault Mercier



Ce weekend, Marion Maréchal et Jordan Bardella ont vu leurs comptes suspendus. Inviter à quitter Facebook ou Twitter est vain. Le joug politiquement correct des GAFA doit être brisé.

Photos: Hannah Assouline / ISA HARSIN/SIPA Numéro de reportage : 01004245_000001

Marion Maréchal et Jordan Bardella ont subi la censure des réseaux sociaux après des messages sur Génération Identitaire


Après la suspension définitive du compte Twitter du président américain en exercice janvier dernier, les GAFA continuent leur travail de censure des comptes de personnalités élues démocratiquement.

Après les députés Emmanuelle Ménard et Joachim Son-Forget, et l’un de vos serviteurs, passé sous les fourches caudines de Twitter pour un tweet critiquant l’action de la ligue de défense noire africaine (cette association, dont le président a été condamné à la prison pour viol sur personne vulnérable, incitait récemment à aller « cracher sur la tombe du criminel raciste de Gaulle »), ce sont Marion Maréchal et Jordan Bardella qui ont vu leurs comptes Facebook suspendus ce week-end pour avoir critiqué la procédure de dissolution administrative engagée par Gérald Darmanin à l’encontre du mouvement Génération Identitaire.

Aujourd’hui c’est la politique migratoire qui pose problème, et demain ?

« Quand ils sont venus chercher… je n’ai rien dit. » Nous connaissons tous cette anaphore du pasteur Niemöller dénonçant la lâcheté des intellectuels allemands au moment de l’accession au pouvoir du NSDAP. Il est pourtant nécessaire de nous la remémorer au moment où nous subissons de plein fouet le joug politiquement correct des GAFA. Combien de temps encore allons-nous rester inactifs face aux attaques répétées contre la liberté d’expression ? Aujourd’hui c’est la politique migratoire qui est visée, et demain ? Il est, à proprement parler, scandaleux que les élus de la Nation soient corsetés par une entreprise numérique privée, au moindre tweet engagé et au mépris des lois nationales réprimant l’injure ou la diffamation. Rappelons d’ailleurs utilement que l’association Génération Identitaire n’a jamais fait l’objet de la moindre condamnation judiciaire.

Si Twitter précise s’engager « en faveur de la liberté d’expression », il semble en pratique que celle-ci ne puisse être utilisée qu’à des fins idéologiquement conformes à la pensée dominante.

Nous remarquons ainsi avec curiosité qu’après avoir bloqué de nombreux messages de Donald Trump pendant la dernière campagne présidentielle américaine, Twitter s’est permis, le 13 janvier dernier, à l’occasion d’élections en Ouganda, de condamner publiquement les pressions subies par les fournisseurs de services Internet pour bloquer l’accès aux réseaux sociaux. Selon la firme de San Francisco, ces coupures sont « extrêmement néfastes, violent les droits humains fondamentaux ». Et de rappeler que « l’accès à l’information et la liberté d’expression, y compris la conversation publique sur Twitter, n’est jamais plus important que pendant les processus démocratiques, en particulier les élections. ». Nous n’aurions pas dit mieux…

Dans les faits c’est donc encore une fois l’arbitraire du deux poids deux mesures « progressiste » qui s’applique. Toute critique de l’immigration (légale ou illégale) sera-t-elle bientôt interdite sur les réseaux sociaux ? Il est temps de reprendre la main pour éviter que ce maccarthysme s’impose plus avant en France et c’est donc au politique de réguler les GAFA, et non l’inverse.

Des entreprises privées particulières

Les commentateurs libéraux nous rétorqueront que Twitter n’est pas un espace public mais une entreprise privée. A la manière d’un patron de bistro qui expulserait un client aviné, elle pourrait donc librement suspendre tout utilisateur ne respectant pas ses conditions générales d’utilisation et ne serait aucunement tenue d’offrir une plateforme d’expression à tout un chacun.

Cette vision apparaît autant dogmatique que dépassée ! Au vu de la puissance de résonnance de ces mastodontes, il est quasiment impossible pour une entreprise, un média ou un homme politique de ne pas avoir de comptes sur les réseaux sociaux. Et en cas de censure privée, sans recours justes et transparents, c’est alors la mort médiatique ou économique assurée…

Quitter Twitter et Facebook ? Cela ne fera que favoriser un peu plus l’archipelisation des milieux politiques par l’éclosion de communautés artificielles, développant un entre-soi et limitant ainsi les possibilités de dialogue, d’échanges et d’affrontements sur lesquels reposent la démocratie. Or la démocratie, par nature, c’est le choix, et donc le clivage, aujourd’hui vilipendé par les tenants d’une pensée unique et chloroformée. Nos rapports sociaux et politiques doivent rester structurés dans leur dimension collective et historique et non réduits à des relations interindividuelles.

Non à la soft law de Facebook et Twitter

En outre, ces GAFA n’ont rien de petites entreprises privées : ce sont au contraire des acteurs internationaux aussi puissants que certains Etats, des autoroutes de l’information en situation de monopole et abusant de leur position dominante. Choisissant d’ailleurs leurs cibles et en épargnant d’autres, à l’instar du président Erdogan. Cette puissance de frappe leur permet  de forger chaque jour un peu plus une nouvelle règle de droit, une soft law, non démocratique, à laquelle nous devons nous soumettre.

Il est urgent et légitime de contraindre ces sociétés à respecter nos principes démocratiques. D’autres pays européens nous montrent d’ailleurs la voie. En mai 2020, la justice italienne a confirmé la supériorité de la loi nationale sur l’arbitraire des règles privées de Facebook dans le cadre d’un litige entre l’entreprise américaine et un mouvement politique. Le tribunal civil romain a ainsi imposé au réseau californien d’annuler la suspension du compte litigieux. Selon le juge italien, ladite suspension portait atteinte de manière disproportionnée à la liberté d’expression, de pensée et d’association et les limites de l’activité de l’association devaient être laissées à l’appréciation de la loi nationale. L’Etat polonais a récemment exprimé la volonté d’interdire la suppression par les réseaux sociaux des publications qui n’enfreignent pas la loi polonaise. La France doit s’inspirer de ces exemples européens et faire des réseaux sociaux des « lieux publics », où chacun s’exprimerait librement sous réserve de respecter la loi de son pays.

Rappelons enfin que sur ces réseaux, un utilisateur ne souhaitant pas être importuné par un « client aviné », pourra toujours se désabonner ou bloquer le compte en question.

Bernard Carayon est maire de Lavaur, ancien député et avocat.
Thibault Mercier est avocat, essayiste et président du Cercle Droit & Liberté.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire