En proposant un référendum sur une révision superflue de la Constitution dans le sens de la protection environnementale, Macron s’offre une forme de légitimation facile au milieu des différentes crises actuelles.
La Charte de l’environnement a consacré en 2004 un droit de l’homme, celui de vivre dans un environnement sain en exigeant de celui qui bénéficie de ce droit qu’il consente aux efforts indispensables qui en découlent. Intégrée au sommet de la hiérarchie des normes, au sein du Préambule de la Constitution, affirmée au même titre que l’attachement du peuple français aux droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels que définis par la déclaration de 1789, cette charte revêt une valeur tant symbolique que contraignante qui fait obstacle à ce que le législateur et l’exécutif adoptent des mesures qui iraient à l’encontre des objectifs définis.
Sur le fondement de cette Charte, le Conseil constitutionnel a jugé, le 10 décembre 2020, que le législateur devait prendre en compte le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement mentionné à l’article 2 de la Charte de l’environnement et qu’il ne saurait priver de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.
Sur le plan juridique, cela s’apparente à un simple rappel
Au niveau international, la France fait bien évidemment partie de l’accord de Paris de 2015 sur le climat qui a, tout autant, valeur contraignante. C’est sur le fondement de cet accord que, le 19 novembre dernier, le Conseil d’État rappelait à l’ordre le gouvernement s’agissant sur l’engagement pris par la France de réduire de 40% ses émissions de gaz à effets de serre d’ici à 2030.
Que peut-on donc penser alors du projet annoncé par le président de la République, lors de la réunion de la Convention citoyenne pour le climat, d’une révision constitutionnelle visant à introduire « les notions de biodiversité, d’environnement, de lutte contre le réchauffement climatique » à l’article premier de la Constitution ? Qu’il entend consacrer des principes déjà protégés tout en assortissant d’aucune mesure concrète pour le climat ou l’environnement les objectifs annoncés. Le projet de révision constitutionnelle annoncé ne s’apparente qu’à un simple rappel surabondant de vœux pieux.
Affirmons-le d’emblée, sur le plan juridique, la mesure envisagée n’apportera absolument rien. Tout existe déjà et les notions dont l’introduction est envisagée à l’article premier bénéficient déjà d’une garantie concrète tant par le Conseil constitutionnel que par le Conseil d’État. Inutile, l’adjonction du terme « climat » à l’article premier de la Constitution l’est également au regard de la convention citoyenne pour le climat, assemblée instituée pour formuler des propositions concrètes destinées à lutter contre le réchauffement climatique. Si la seule chose qui ressort des travaux de cette convention est la volonté d’introduire dans la Constitution l’objectif qui lui était assigné, on peut réellement douter de l’intérêt cette convention. La convention pour le climat propose donc d’inscrire la lutte contre le réchauffement climatique dans la Constitution. Tout ça pour ça.
Un dévoiement du référendum
Enfin, cette proposition est curieuse et semble dévoyer le principe même du référendum et celui de la révision constitutionnelle. Lorsqu’il est appelé aux urnes, le peuple français se voit proposer un projet de modification des institutions (une Constitution étant avant tout un texte qui régit le fonctionnement des pouvoirs publics), que ce soit l’élection du président de la République au suffrage universel ou la réduction du mandat présidentiel. Jamais on n’a vu le peuple être consulté pour répondre à des bons sentiments. Considérons alors la volonté d’ajouter le mot « climat » à l’article premier de la Constitution pour ce qu’elle est : un bon coup de pub.
Il n’est pas encore gagné aujourd’hui qu’un référendum puisse se tenir. Juridiquement, pour qu’une modification de la Constitution puisse être soumise au référendum, il faut que les deux chambres, Assemblée nationale et Sénat, se mettent d’accord sur un texte identique. Si le Sénat joue son rôle de contre-pouvoir ou d’opposant politique, il n’est pas certain que la question soit soumise au suffrage des électeurs. Ce faisant, le président de la République a d’ores et déjà gagné son pari politique en se plaçant sur un terrain facile, celui de l’environnement, réduisant ainsi toute opposition à devoir, de facto, dire non au climat. En sollicitant la tenue d’un référendum (sans portée juridique) sur un sujet on ne peut plus consensuel et facile, le président de la République utilise les institutions de la Ve République pour s’octroyer une légitimation bienvenue après la crise des gilets jaunes, pendant celle du virus et avant l’échéance présidentielle.
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