Michael Lonsdale est né le 24 mai 1931 d'une mère française, et d'un père anglais. Après avoir passé son enfance entre la France, l'Angleterre et le Maroc, il découvre le théâtre grâce à sa rencontre avec Roger Blin en 1947. Passionné d'art dramatique, il est alors élève du cours de Tania Balachova. Dès 1956, il multiplie les petits rôles au cinéma, notamment dans les films de Gérard Oury et de Jean-Pierre Mocky. Il fait même une apparition en prêtre dans Le Procès d'Orson Welles.
Mais c'est François Truffaut qui lance véritablement sa carrière cinématographique en lui offrant deux rôles, l'un dans La Mariée était en noir en 1967, l'autre dans Baisers volés en 1968. Des années 50 à nos jours, Michael Lonsdale alterne les rôles pour le cinéma et la télévision. Il croise ainsi la route de nombreux réalisateurs de renom, tels que Louis Malle, Jean Eustache Jean-Jacques Annaud ou encore Luis Bunuel…Le comédien varie les registres et fait preuve d'une grande ouverture dans ses choix artistiques. Il joue aussi bien dans des films d'avant-garde que dans de grosses productions hollywoodiennes, comme un James Bond en 1979, ou Munich de Steven Spielberg en 2005.
Il multiplie également les rôles au théâtre, interprétant des textes de Duras, de Beckett ou encore de Tchekhov. En 1972, il a notamment fondé une compagnie de théâtre musical, le théâtre des Ulis avec Michel Puig.
Parallèlement, il prête sa voix à la radio, à des lectures de textes littéraires et philosophiques, à des personnages de films d'animation (la voix du Psy dans Titeuf, le film ou de Maître Flavius dans Le Château des Singes), ou encore aux voix off de plusieurs documentaires. Cependant, il ne s'en tient pas à l'interprétation, il est également metteur en scène : sa dernière pièce en date est L'amante anglaise de Marguerite Duras en 2013.
En 2011, il remporte le César du Meilleur Second Rôle masculin pour Des Hommes et des Dieux de Xavier Beauvois. C'est le premier César de sa longue et prolifique carrière. La même année, il est l'invité d'honneur du festival Paris Cinéma.
Le 21 septembre 2020, l'acteur meurt à son domicile parisien, à 89 ans.
Michael Lonsdale au festival de Cannes 2010 lors de la présentation du film Des hommes et des dieux. |
Catholique engagé, Michael Lonsdale est proche de la Communauté de l’Emmanuel. En 1987, à l’invitation de Dominique Rey, alors jeune prêtre, il participe au premier Festival Magnificat à Paray-le-Monial avec Philippe Bizot, Catherine Salviat, Jacques Loussier, Michel Piquemal, Daniel Facérias, Cyril Atanassoff, Goudji. En 1988, il cofonde le Centre Artistique Chrétien Magnificat, destiné plus spécialement aux artistes.
En 1998, il accepte d'être le parrain d'une promotion de l'Institut catholique d'études supérieures situé à La Roche-sur-Yon et est membre de la section « arts et lettres » de l'Académie catholique de France. En 2014, il accepte de parrainer une jeune troupe de théâtre : la Troupe des Potimarrants.
Il participe à la Diaconie de la Beauté, qui recouvre les engagements des différentes communautés au service de la charité pour les plus pauvres. Il préside le Festival sacré de la Beauté à Cannes.
Il est lecteur récurrent pour le projet Psaume dans la ville.
Michael Lonsdale est le demi-frère de Gerald Calderon (1926-2014).
À propos de son absence de vie conjugale, il déclare, dans son livre Le Dictionnaire de ma vie, paru en 2016 : « J’ai vécu un grand chagrin d’amour et ma vie s’en est trouvée très affectée. La personne que j’ai aimée n'était pas libre… je n’ai jamais pu aimer quelqu’un d’autre. C’était elle ou rien et voilà pourquoi, à 85 ans, je suis toujours célibataire ! Elle s’appelait Delphine Seyrig ».
l’hommage de Mgr Rey
La barbe mangeait le visage, les sourcils broussailleux et la chevelure blanche balayée en arrière, masquaient une pudeur flegmatique, un humour taquin et surtout une bienveillance qui le rendait disponible et attentif à tous, aux grands comme aux passants de la rue.
Mais que cachait cette voix singulière, à la fois si profonde, paisible et douce et dont la diction grave emportait les mots jusqu’aux tréfonds du coeur ?
34 ans d’amitié avec Michaël me convinrent d’une réponse que je n’aurais jamais pu improviser lors de notre première rencontre place Vauban, à son domicile.
Quelques jours avant son décès, à son chevet, face à ce corps endolori, de plus en plus gouverné par les impossibilités et que désertait peu à peu la vie, résonnaient les confidences entendues en amont, fruit de sa conversion :
« Mon idéal est de rencontrer le Christ… La chose la plus chère que je possède dans ma vie, c’est l’amour du Christ… J’aimerais partir en paix. Je voudrais mourir en Dieu. Ce qui fonde ma confiance face à la mort, c’est Jésus. »
Michaël ne se contentait pas d’être un croyant affiché, un chrétien assumé, tant l’expérience de Dieu avait transfiguré sa vie, mais il laissait entrevoir à son contact que la beauté nous est intérieure, que notre propre vie doit devenir une œuvre d’art, sculptée par l’amour, pour réfracter en direction d’autrui une lumière qui nous brûle du dedans.
Son art aussi bien déclamatoire que pictural, ne faisait qu’exprimer une quête spirituelle qui enflammait son être profond. Comédien et plasticien, l’artiste se savait prophète. Prophète d’une transcendance qui passait par sa voix ou par son pinceau, et dont il ne voulait être que l’humble serviteur. Les éternels seconds rôles dans James Bond ou en endossant le personnage de frère Luc dans Des Hommes et des dieux, illustraient cette vertu d’humilité dont il était paré. Laisser Dieu passer devant soi était son leitmotiv.
«Le métier de comédien est un travail de passeur», disait Michaël après l’obtention de son César. Et d’ajouter :
« je dois m’efforcer de transmettre la beauté en faisant entendre les mots d’un Autre ».
La beauté extérieure de l’œuvre se présentait pour lui comme un appât pour nous attirer et nous élever vers une beauté supérieure, une beauté incréée. Cette « beauté qui sauvera le monde », dont parlait Dostoïevski. Il nous a aidés à comprendre que l’art n’est qu’épiphanique. A peine esquissée, la clarté que l’on perçoit renvoie à une source lumineuse qui l’explique. Lui qui avait -selon ses mots- « horreur du copinage entre les comédiens », et se méfiait du show business et du star system, bannissait la vacuité des modes. Si le spectateur s’arrête à l’image, s’il la retient en se fixant sur elle, il en devient l’otage. Il devient idolâtre. La vocation de l’artiste, selon Michaël, est simplement de faire signe et de mettre en mouvement vers un au-delà de l’œuvre. Celle-ci s’efface dans le mystère qu’elle ébauche. Comme l’écrivait la philosophe Simone Weil: «La beauté séduit la chair pour obtenir sa permission de passer jusqu’à l’âme » (La pesanteur et la grâce).
Oui Michaël nous conduit à un art oblatif et qui porte une saveur pascale. L’achèvement de l’œuvre tient à ce que l’excès de lumière qu’elle porte ou des convictions qui l’habitent, appelle une ouverture à ce qui la dépasse.
Les philosophes antiques définissaient la beauté comme « la splendeur de la vérité ». Le peintre Matisse intuitionnait ce lien intime qui unit vérité et beauté lorsqu’il confessait :
« toute ma vie je n’ai eu qu’un souci, non pas faire beau, mais faire vrai. »
Une vérité qui n’est pas conceptuelle ou spéculative, mais que Michaël puisait dans les êtres ou dans les choses qu’il côtoyait, et qui avait pour arrière-fond le visage du Christ. Pour Michael, l’art n’avait pas seulement une fonction décorative ou divertissante, mais il avait pour tâche de rendre l’homme à lui-même à partir de sa source et de sa finalité, c’est-à-dire à partir de Dieu. Une telle perception de l’art refuse tout esthétisme.
Michaël n’était pas d’un côté chrétien et de l’autre artiste. Il était témoin et initiateur du Christ par et dans son art. Son attachement au Christ a été le creuset de sa vie et de sa création. Ses engagements successifs dans le festival Magnificat, la diaconie de la beauté, les groupes de prières et les sessions de Paray-le-Monial, soulignaient toujours son désir brûlant de témoigner de sa foi au travers de son talent.
En ce 1er octobre, l’Eglise célèbre Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. « Ma sainte préférée », avouait Michaël. Coïncidence ou Providence ? Le comédien respecté qui eut la chance de travailler avec Beckett, Duras, Truffaut… ; qui était capable d’entrer et de nous faire entrer dans des personnages si différents les uns des autres en fonctionnant à l’improvisation et à l’instinct…, se retrouvait parfaitement dans des chemins de l’enfance spirituelle que la jeune carmélite avait défrichés à Lisieux.
Cette enfance spirituelle ne ressort point de l’infantilisme puéril, mais procède d’une capacité d’émerveillement qui caractérise l’esprit de celui ou celle qui découvre la nouveauté de la vie… Cet esprit d’enfance offrait à Michaël l’audace d’arraisonner les plateaux de tournage et les planches de la scène tout autant que de gravir les chemins pentus de la foi avec désinvolture, innocence, et une infinie curiosité.
«Quand je me présenterai devant Dieu, c’est l’enfant que je fus qui me précédera. » écrivait Bernanos. « Dominique, je suis un grand enfant » me confiait encore Michaël lors de notre ultime tête-à-tête.
Chers amis, Michaël n’est plus devant nous. Il est en nous, dans notre mémoire et dans notre cœur. Il est surtout en Dieu. Celui qu’il a toujours cherché jusqu’au bout de lui-même, et parfois dans la nuit. Il fut sa passion. Il est désormais sa Paix.
+ Dominique Rey Eglise St Roch
1er octobre 2020
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