Édith Piaf (1915 - 1963)
La «Môme de Paris»
De son vrai nom Édith Giovanna Gassion, Édith Piaf (1915-1963) crée de son vivant sa propre légende populaire : celle d'être née dans la rue, à même le trottoir du 72 rue de Belleville à Paris, sur la pèlerine d'un des deux policiers qui passaient par là (19 décembre 1915).
En réalité, elle serait plutôt née à l'hôpital Tenon, de l'union d'un père contorsionniste et acrobate ambulant, Louis-Alphonse Gassion, et d'Annetta Maillard (d'origine italo-kabyle), chanteuse de rue sous le nom de « Line Marsa » qui l'abandonne deux mois plus tard.
Délaissée très tôt alors qu'elle réchappe de justesse à la cécité, elle grandit entre ses deux grands-mères dont l'une tient une maison close dans l'Eure (« Au Grand 16 », à Bernay).
Chanteuse de rue
Après la Grande Guerre, son père est engagé dans un cirque itinérant et vient la rechercher. La petite et chétive Édith Gassion passe alors son enfance à chanter dans les rues et découvre le pouvoir fascinant de sa voix sur les foules avec l'aide de son amie Simone, dite « Momone », chargée de ramasser la monnaie lors du passage du chapeau.
Lorsque ses parents divorcent et que naît Denise, sa demi-soeur, du remariage de son père (1931), elle rencontre Louis Dupont dit « P'tit Louis » dont elle tombe rapidement enceinte d'une petite Marcelle (1932-1935) qui, à peine âgée de trois ans, mourra d'une méningite foudroyante.
Mauvaise mère, au bord de la déprime, de la pauvreté, de la drogue et de la prostitution, fréquentant la racaille parisienne, les truands et marlous de Belleville et Pigalle, c'est rue de Troyon à Paris, qu'Édith rencontre Louis Leplée, gérant du Gerny's, célèbre établissement de spectacle sur les Champs-Élysées.
Séduit par la jeune femme, tout comme Maurice Chevalier et Jacques Canetti, il l'invite à chanter quelques titres chez lui en 1935 et la surnomme à cette occasion « la Môme Piaf » (double allusion à sa voix d'oiseau et à sa petite taille de 1m 47). Moins d'un an plus tard, il sera assassiné chez lui, vraisemblablement par les « protecteurs » d'Édith Piaf (avril 1936).
Mais la carrière de la « Môme de Paris » est lancée. D'abord chanteuse de rue puis chanteuse de cabaret (théâtre-variété ABC, 1938), elle devient rapidement une formidable vedette du music-hall: sa fragilité physique, sa frêle silhouette à l'allure chétive, sa voix pathétique mais éblouissante, à la formidable énergie, émeuvent un public de plus en plus nombreux. Elle séduit le Tout-Paris de l'entre-deux-guerres et obtient un triomphe immédiat avec le développement de la radio puis de la télévision.
Pendant l'Occupation, elle tourne des films dans la Zone Libre (Montmartre sur Seine, 1941; Étoile sans Lumières, 1945) et ne cesse de chanter, recrutant entre autres des musiciens juifs pendant l'Occupation. À la Libération, son succès est tel qu'on l'incite à se produire à l'étranger (Mexique, Brésil), et notamment aux États-Unis où ses débuts sont d'abord difficiles (1947).
De maladies en accidents et échecs sentimentaux successifs, elle tombe dans la drogue pour adoucir la douleur puis dans la déchéance. Gravement malade, elle triomphe définitivement dans les cabarets de New York (PlayHouse, Versailles) puis au Carnegie Hall où elle s'effondre sur scène à plusieurs reprises (1959).
Femme en sursis, elle rentre à Paris où, malgré son état de santé, elle triomphe à l'Olympia (1961) et chante au pied de la Tour Eiffel pour la première mondiale du film Le Jour le Plus Long (*), le 25 septembre 1962, en présence du général de Gaulle.
Lorsqu'on étudie attentivement l'oeuvre musicologique d'Édith Piaf, on constate qu'elle n'est pas seulement une interprète, mais surtout - ce qui est moins connu - un auteur-compositeur qui écrit ses paroles et sa musique. En effet, sur les 300 chansons interprétées et enregistrées au cours de sa vie, près de 80 titres ont été composés (paroles et musique) par elle.
Comble de la reconnaissance de toute une profession, elle recevra le grand prix du disque de l'Académie Charles Cros pour l'ensemble de sa carrière (juin 1961) car ses chansons, ses refrains, ses mélodies et ses interprétations restent inoubliables.
On peut citer, entre autres, Les mômes de la cloche (Vincent Scotto-A. Decaye, 1936); Mon Légionnaire (Raymond Asso et Marguerite Monnot, janvier 1937) ; Le Petit Monsieur triste ; La Vie en Rose (paroles d'Édith Piaf, musique de Louigy, 1946) ; L'Hymne à l'Amour (écrit par Édith Piaf et Marguerite Monnot en hommage à la mort de Marcel Cerdan, 27 octobre 1949) ; Jézebel (Aznavour) ; Je t'ai dans la peau (Jacques Pills et Gilbert Bécaud) ; Le Bel Indifférent (1940, de Jean Cocteau avec Paul Meurisse aux Bouffes-Parisiens puis Jacques Pills au théâtre Marigny) ; Padam Padam (paroles de Henri Contet, musique de Norbert Glanzberg, 15 octobre 1951) ; La Foule (paroles de Michel Rivegauche et musique d'Angel Cabral, 1957) ; Milord (titre et paroles de Georges Moustaki, musique de Marguerite Monnot, 5 juin 1959) ; Non, je ne regrette rien (paroles de Michel Vaucaire et musique de Charles Dumont, 10 novembre 1960) ; Mon Dieu (paroles de Michel Vaucaire et musique de Charles Dumont, 1960) ; A quoi ça sert l'amour ? (Michel Emer, 1962).
Amours tumultueuses
Pour le public, l'autre aspect célèbre de la vie d'Édith Piaf reste celui d'une vie sentimentale ponctuée de défaites amoureuses et de malheurs, de détresse physique et morale. Superstitieuse, elle offrait souvent à ses amants un briquet et une gourmette en or.
On peut citer : Raymond Asso (1937) ; Paul Meurisse (1940-1942), avec qui elle emménage pour la première fois dans un appartement qui n'est pas une chambre d'hôtel ; Michel Emer (L'accordéoniste et Le disque usé) ; Yves Montand, de son vrai nom Ivo Livi, qu'elle lance dans le music-hall (1944, Battling Joe) ; Marcel Cerdan (1947) avec qui elle emménage à Boulogne au 5, rue Gambetta ; Eddie Constantine (1950, La P'tite Lili de Marcel Achard) ; Jacques Pills (son 1er mari, 29 juillet 1952-1956) ; Georges Moustaki, qui compose pour elle la musique de Milord et avec qui elle a un grave accident de voiture en septembre 1958 ; Theo Sarapo (de son vrai nom Theophanis Lamboukas, son 2ème mari, le 9 octobre 1962).
Soignée à la morphine, elle ne pourra plus par la suite se passer de cette drogue, mélangée à l'alcool, et connaîtra plusieurs cures de désintoxication.
Partie de rien dans l'existence, elle aime par dessus tout lancer les artistes en qui elle croit tels Gilbert Bécaud, Les Compagnons de la chanson (Les Trois Cloches, 1946), Yves Montand ou Georges Moustaki... Mais elle se montre également très dure et injuste pour ses jeunes rivales, telle Juliette Gréco.
De retombées en guérison, prématurément vieillie, épuisée et malade, c'est très affaiblie qu'elle part en convalescence dans le sud de la France. Tombée dans le coma en avril 1963, elle meurt au Plascassier, près de Grasse le jeudi 10 octobre 1963.
Mais comme elle avait formulé le désir de mourir à Paris, son corps est ramené secrètement dans la nuit dans son hôtel particulier du boulevard Lannes où son décès d'une hémorragie interne, à l'orée de ses 48 ans, est constaté officiellement le lendemain par le docteur Bernay de Laval (vendredi 11 octobre 1963). Quelques heures plus tard décède à son tour son vieux complice le poète Jean Cocteau.
Les obsèques d'Édith Piaf ont lieu à l'église Saint-Honoré d'Eylau. Et c'est devant une foule immense de plus de 40.000 admirateurs, qu'elle est enterrée au cimetière du Père Lachaise le 14 octobre 1963, en présence de Marlène Dietrich, témoin à son 1er mariage. Depuis lors, elle repose dans la division n°97, avenue transversale n°3, où sa tombe continue d'être fleurie quotidiennement.
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