L'ÉDITO DE L'OPINION
Produire davantage
Relocalisation: les marchands d’illusions
Par Rémi Godeau
Ainsi, la crise du coronavirus aurait révélé comment l’élite cosmopolite, acquise à l’ultralibéralisme, a liquidé pour le pire l’industrie française… Les tenants du patriotisme économique n’ont pas tort : il faut reprendre le contrôle. Mais ils se leurrent. La pénurie de masques et le monopole chinois sur le paracétamol ne justifient en rien le procès en haute trahison fait à Bruxelles, au libre-échange, au grand capital… Et les protectionnistes opportunistes abusent les Français en faisant de la relocalisation une affaire de seule volonté politique alors qu’elle implique des choix collectifs à revers de ceux décidés depuis des décennies, par couardise et dogmatisme.
Car la générosité sans fin de notre modèle social (retraites, chômage, santé…) et notre goût des RTT se paient cash : la pression fiscale nécessaire au financement de ces largesses n’a eu de cesse d’accélérer une désindustrialisation sans équivalent en Europe. Impôts de production et coût du travail rendent par ricochet très aléatoire tout rapatriement d’activités, sauf à jeter nos entreprises dans une bataille concurrentielle perdue d’avance ou à précipiter une robotisation dangereuse pour l’emploi. D’autant qu’à son obsession taxatrice, l’Etat ajoute une folie bureaucratique – pourquoi l’autorisation de mise sur le marché de médicaments est-elle cinq fois plus longue en France qu’en Allemagne ? – et une phobie technologique alarmantes.
Plus sûrement que l’ouverture des frontières, c’est cette saignée du secteur productif au profit du « toujours plus » qui a rogné notre indépendance. La préférence française pour le chômage et pour la dette n’a été que la résultante de notre indifférence pour la compétitivité. Redonner au pays l’envie de produire implique une politique à l’inverse des vieilles lunes des marchands d’illusions de la relocalisation. Voilà la vraie révélation du Covid-19.
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