LR: et maintenant le problème Castex...
Même s’il a démissionné des Républicains, le choix par Emmanuel Macron du nouveau Premier ministre ne s’annonce pas simple à gérer pour la droite. La composition du gouvernement sera connue ce lundi
Les Républicains ont enregistré vendredi la démission de Jean Castex de leur parti. La lettre du nouveau Premier ministre d’Emmanuel Macron est arrivée le jour même au siège de LR, selon la direction de celui-ci. Elle était datée du 29 juin, le lendemain de la victoire du RN Louis Aliot à Perpignan face au maire LR sortant, Jean-Marc Pujol. « J’ai rendu ma carte il y a quelques jours car j’avais été mécontent de la façon dont avait été soutenu le candidat à Perpignan », a déclaré le maire de Prades, bourgade située à 45 kilomètres de la capitale des Pyrénées-Orientales, sur TF1, vendredi. Lorsqu’il a rédigé lundi sa missive, avait-il dans un coin de sa tête l’idée que le chef de l’Etat pourrait le nommer quatre jours plus tard à Matignon ?
Comme Edouard Philippe, Jean Castex est un Premier ministre issu des Républicains. Mais en démissionnant de lui-même du parti présidé par Christian Jacob, il ne fera pas revivre à son (désormais) ancien parti le mauvais feuilleton de 2017. A l’époque, le juppéiste avait, comme Gérald Darmanin et Sébastien Lecornu, nommés ministres au sein de son gouvernement, et Thierry Solère et Franck Riester, élus députés avec l’appui macroniste, préféré se faire mettre dehors. L’affaire avait traîné plus de quatre mois et embarrassé une formation qui n’avait alors pas besoin de cela.
Au sein de LR, Jean Castex ne pesait rien. Il n’appartenait à aucune instance, ni aucune écurie. « Je n’ai jamais été un militant très actif », a-t-il dit de lui-même sur TF1. En 2009, il avait perdu la primaire interne organisée pour être le candidat UMP aux régionales de l’année suivante en Languedoc-Roussillon. S’il a vraisemblablement voté François Fillon lors de la primaire de 2016, il ne l’a pas soutenu activement. « Je n’en ai aucun souvenir », dit Patrick Stefanini, l’ex-directeur de la campagne du vainqueur. « Je ne le connais pas. Il n’a jamais occupé de responsabilités au sein de notre famille politique. C’est un technocrate [qui] a toujours perdu » les élections, a asséné Christian Jacob, vendredi, sur RTL. Au sein de son parti, le départ d’Edouard Philippe de Matignon, qui y plaisait de plus en plus, a été ressenti comme une bonne nouvelle.
Pour autant, la promotion de Jean Castex sera-t-elle si simple que cela à gérer pour Les Républicains ? Dans ses premières interventions, le nouveau chef de gouvernement a usé du Pour autant, la promotion de Jean Castex sera-t-elle si simple que cela à gérer pour Les Républicains ? Dans ses premières interventions, le nouveau chef de gouvernement a usé du vocabulaire qui sonne doux aux oreilles de la droite. « “Tout ne se décide pas à Paris”, “l’écologie n’est pas une option”, “oui à la laïcité, non au communautarisme”, “gaulliste social”… Comment vous croire, Jean Castex, quand vos mots, justes, résonnent à l’envers du bilan d’Emmanuel Macron ? » C’est ainsi qu’a réagi, sur Twitter, Guillaume Peltier, après le 20 heures du nouveau Premier ministre. Le numéro 2 de LR voulait par là démonter une illusion. Mais il soulevait aussi, en creux, le potentiel risque pour son camp que peut représenter un homme se donnant pour mission de « retrouver notre souveraineté ». Le report du discours de politique générale que devait initialement prononcer Jean Castex cette semaine a provoqué un vif soulagement (et été lu comme une faute stratégique). « Cela aurait été très compliqué pour nous à gérer », reconnaît-on au groupe LR de l’Assemblée nationale.
Le locataire de l’Elysée doit envoyer des signaux nets : chez les retraités, un électorat traditionnellement acquis à la droite, Emmanuel Macron ne dispose plus que de 30 % de confiance
Arrière-pensées. En créant un problème Castex, le chef de l’Etat prouve en tout cas qu’il entend bien conserver l’objectif mené depuis trois ans : asphyxier la droite. « Si on ne voit pas encore la feuille de route, on voit bien la stratégie politique. C’est une stratégie de premier tour qui consiste à fixer l’électorat de droite avec le choix d’un LR pour Matignon, ainsi que l’électorat macroniste en mettant en avant la volonté de réformes, notamment économiques. C’est le sujet sur lequel le chef de l’Etat a la crédibilité la plus forte. Il réduira aussi l’espace de la droite : un plan de relance est difficilement contestable », analyse Bernard Sananès, le président d’Elabe. Le dernier baromètre réalisé par son institut pour Les Echos montrait d’ailleurs la nécessité pour le locataire de l’Elysée d’envoyer des signaux nets : chez les retraités, un électorat traditionnellement acquis à la droite, Emmanuel Macron ne disposait plus que de 30 % de confiance, son score le plus bas depuis 2017.
Outre son appartenance à LR, trois autres éléments spécifiques du CV de Jean Castex témoignent des arrière-pensées présidentielles. En 2019, dans le Journal du dimanche, François Baroin avait déclaré que « si Jean-Mi [comprenez Jean-Michel Blanquer] pren[ait] des responsabilités », il ne serait pas candidat à la présidentielle. Pour Matignon, Emmanuel Macron n’a pas choisi le ministre de l’Education. Mais il lui a préféré un proche d’un autre adversaire potentiel : Xavier Bertrand. C’est le président des Hauts-de-France qui a fait émerger Jean Castex. Ils ont longtemps travaillé ensemble. Sa nomination prouve que le chef de l’Etat a particulièrement l’ex-ministre du Travail dans le viseur. Même si Xavier Bertrand n’a jamais tenu un propos similaire à celui de François Baroin, le déroulement de sa partition en sera forcément compliqué. Politiquement, le gaullisme social est son créneau. Psychologiquement, cela a toujours un impact. « Je connais et j’apprécie les qualités de serviteur de l’Etat de Jean Castex. Elles seront indispensables dans les moments difficiles que nous allons connaître… Puissent-elles corriger les mauvais choix du Président de la République », a-t-il tweeté vendredi.
C’est Xavier Bertrand qui a fait émerger Jean Castex. Ils ont longtemps travaillé ensemble. Sa nomination prouve que le chef de l’Etat a particulièrement l’ex-ministre du Travail dans le viseur
Guerre des maires. Jean Castex a ensuite été un des piliers du cabinet élyséen de Nicolas Sarkozy de 2010 à 2012. Le qualificatif de « sarkozyste » lui est ainsi accolé, même si la réalité est plus compliquée (les deux hommes n’ont pas gardé beaucoup de contact). En le promouvant, Emmanuel Macron associe quelque part l’ancien chef de l’Etat à son action, sait-on jamais…
Enfin Jean Castex est maire. Pas celui d’une ville de 170 000 habitants comme Edouard Phlippe, mais celui d’une commune de 6 000 administrés. La France rurale n’a pas de secret pour lui. Il parle la langue des élus locaux. A travers lui, le chef de l’Etat démontre qu’il ne veut pas laisser le champ libre, en la matière, à François Baroin. Celui-ci indiquera cet automne s’il se lance dans le combat élyséen. Président de l’association des maires de France, il compte bien s’appuyer, s’il y va, sur les édiles. Une guerre des maires se mettra alors en place…
Celle des nerfs, elle, bat déjà son plein. Après le choix de Jean Castex, viendra celui du gouvernement. Sa composition sera connue ce lundi. Jusqu’où provoquera-t-elle d’autres secousses chez LR ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire