mardi 28 juillet 2020

FISCALITÉ: LE RETOUR DES PRÉJUGES IDEOLOGUES



Tribune libre

«Fiscalité: le retour des préjugés idéologiques» – la tribune de Pascal Salin

« Il faudra bien que la dette publique soit remboursée dans un futur plus ou moins proche. Et les augmentations de la fiscalité évoquées risquent alors d’être adoptées et donc de nuire à l’activité économique »



La crise sanitaire a provoqué de nombreuses difficultés dans le domaine de la production. Or il est évident que les crises économiques sont une occasion pour les politiciens de faire croire qu’ils ont un rôle très utile. Ceci se traduit – comme actuellement en France – par une augmentation des dépenses publiques et donc de la dette publique. Par ailleurs, nombreux sont ceux qui profitent d’une situation de crise pour essayer de faire adopter les décisions publiques qu’ils désirent. C’est ainsi qu’on entend souvent dire que la crise crée des « inégalités sociales » supplémentaires et qu’il convient donc de renforcer la politique de redistribution des ressources. On prétend qu’il y a là des mesures justifiées sur un plan éthique, mais on devrait plutôt admettre que la redistribution n’est pas justifiée sur le plan éthique puisqu’elle consiste à imposer par la contrainte des prélèvements de ressources au mépris du respect des droits de propriété légitimes.
C’est ainsi qu’il est souvent proposé de renforcer la taxation des revenus les plus élevés et de rétablir l’ISF. Et certains sont d’autant plus incités à accepter ces propositions qu’elles sont faites, par exemple, par Esther Duflo qui a obtenu le prix Nobel d’économie. Mais étant donné que ces propositions ne sont pas justifiées d’un point de vue économique, on devrait considérer non pas qu’elles sont valables parce qu’elles sont défendues par une titulaire du prix Nobel d’économie, mais que les membres actuels du jury du prix Nobel d’économie sont probablement inspirés par des préjugés idéologiques plus que par leur éventuelle connaissance satisfaisante de la théorie économique. De même, on doit considérer les suggestions actuelles de Thomas Piketty en faveur d’une augmentation de la fiscalité du capital et de la progressivité comme relevant de préjugés idéologiques et pas d’une analyse rigoureuse de théorie économique.
Productivité. En effet, la fiscalité joue un rôle négatif considérable du point de vue de la production parce qu’elle détruit les incitations productives (incitations à travailler, à innover, à investir ou à épargner), et c’est pourquoi toute baisse d’impôt est souhaitable. Mais certaines baisses sont prioritaires par rapport aux autres. Tel est le cas tout d’abord de la progressivité de l’impôt sur le revenu. Celle-ci a pour conséquence de punir ceux qui sont les plus productifs, les plus innovateurs, les plus travailleurs. Or, comme la théorie économique l’a toujours souligné de manière rigoureuse et parfaitement correcte, la productivité d’un facteur de production est accrue par l’augmentation de la quantité des autres facteurs de production auxquels il est lié.
Ainsi, comme on devrait en avoir toujours conscience, la productivité et donc le salaire d’un salarié de base sont d’autant plus élevés que le salarié est davantage associé à des cadres et des entrepreneurs de qualité (dont il ne faut donc pas détruire les incitations productives par la fiscalité). C’est pourquoi la baisse de l’impôt sur le revenu constitue une réforme fiscale prioritaire qui profite à tout le monde, comme le prouvent d’ailleurs un grand nombre d’exemples historiques. Si une réforme s’impose actuellement en France c’est bien la diminution ou même la suppression de la progressivité de l’impôt sur le revenu (mais aussi de la progressivité d’autres impôts, par exemple celle qui concerne les droits de succession et l’impôt sur la fortune immobilière, IFI).
Diminuer la fiscalité sur le capital ne favorise pas seulement les propriétaires de capitaux, mais tous les producteurs qui leur sont associés. Il serait donc absurde de restaurer l’ISF
Il en est de même de la taxation du capital, celui-ci constituant un facteur de production essentiel pour toutes les activités humaines. La productivité et le salaire d’un salarié de base dans une entreprise seront d’autant plus élevés qu’il sera associé à un capital plus important. Il n’y a d’ailleurs pas de croissance économique sans accumulation de capital (ce qui implique de diminuer la fiscalité sur l’épargne qui est en réalité beaucoup plus importante qu’on ne le croit). Diminuer la fiscalité sur le capital ne favorise pas seulement les propriétaires de capitaux, mais tous les producteurs qui leur sont associés. Il serait donc absurde de restaurer l’ISF.
Imposition du capital. En outre, l’ISF rapporterait probablement seulement un peu plus de 5 milliards d’euros (alors que le déficit public a été égal à 72,8 milliards en 2019). On trouve aussi dans ce domaine beaucoup d’exemples historiques du caractère nuisible de l’imposition du capital et des gains obtenus par sa suppression. L’accumulation de capital suppose que des individus fassent le sacrifice de ne pas consommer toutes leurs ressources, mais d’en épargner une partie. Or, cette partie épargnée aura subi la charge de l’impôt sur le revenu (et celle d’autres impôts). Il n’y a aucune raison d’y ajouter un impôt supplémentaire, à savoir l’impôt sur le capital.
Si deux individus ont le même revenu annuel, mais l’un consomme toutes les ressources correspondant à ses revenus, alors que l’autre en épargne une partie, il n’est pas juste de punir le second, alors même qu’il contribue à la croissance économique. C’est pourquoi, au lieu de restaurer l’ISF, comme cela est réclamé par un certain nombre de personnes, il conviendrait de supprimer l’IFI. En effet, le capital immobilier joue un rôle fondamental dans la vie de tous les individus puisqu’il leur permet de se loger et aussi éventuellement de trouver des locaux pour leurs activités productives. Il est donc très nuisible de décourager l’investissement dans le capital immobilier par l’IFI.
Compte tenu des conséquences néfastes qu’auraient les augmentations d’impôts fréquemment demandées, on peut être satisfait que le président Emmanuel Macron ait déclaré très récemment qu’il n’y aurait pas d’augmentation des impôts, ce qui a aussi été affirmé par le Premier ministre, Jean Castex. Mais Emmanuel Macron a dit par ailleurs que les dépenses liées à la crise sanitaire étaient justifiées et qu’elles viennent s’ajouter à la dette existante. Or il faudra bien que la dette publique soit remboursée dans un futur plus ou moins proche. Et les augmentations de la fiscalité évoquées ci-dessus risquent alors d’être adoptées et donc de nuire à l’activité économique.
C’est pourquoi il reste important de faire comprendre pourquoi ces augmentations d’impôts, fréquemment suggérées, seraient très nuisibles. De manière générale, il aurait été préférable que la crise économique actuelle ne conduise pas à une augmentation des dépenses publiques (et de la production de monnaie), mais qu’elle conduise plutôt à favoriser le développement des activités économiques, ce qui impliquerait en particulier les baisses de fiscalité qui ont été suggérées ci-dessus.
Pascal Salin est professeur honoraire de l’Université Paris-Dauphine, président de l’Association pour la liberté économique et le progrès social (Aleps). Il est l’auteur de Le vrai libéralisme : Droite et gauche unies dans l’erreur (Odile Jacob, novembre 2019, 25,90 euros).

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