La nouvelle a été annoncée ce lundi 18 mai 2020. Michel Piccoli s'est éteint le 12 mai dernier, a annoncé sa famille dans un communiqué transmis à l'AFP. L'acteur, particulièrement connu pour son rôle dans Le Mépris aux côtés de Brigitte Bardot, avait 94 ans. Il serait mort des suites d'un accident cérébral, précise ce communiqué.
Âgé de 92 ans, Michel Piccoli est une figure imposante du 7e art. Pourtant, très peu de spectateurs connaissent les détails de sa vie privée.
Dans son autobiographie "J'ai vécu dans mes rêves" sortie en 2015, Michel Piccoli évoque sans retenue sa peur de mourir et le temps qui avance inexorablement." On voudrait que ça ne s'arrête jamais et cela va s'arrêter. C'est très difficile. La mémoire se dégrade. Et je suis victime de cette catastrophe pour un acteur […] Parfois, je me sens très bien et je suis indigné de ne plus jouer parce que les médecins et les assurances rendent la décision de me choisir compliquée […] Je suis comme un stylo qui n'a plus d'encre, et je me mets à râler : 'Où est mon encre ?' […] Certains films dans lesquels j'ai joué vont rester, mais je ne reste plus. J'aimerais ne pas mourir."
Michel Piccoli est né à Paris le 27 décembre 1925 dans une famille de musiciens. C'est à 18 ans qu'il décide de devenir comédien et suit ainsi des cours de théâtre au Cours Simon. Il est connu notamment pour ses rôles dans "Le Mépris" et "Habemus Papam". De ses débuts dans les années 40 à aujourd'hui, il a joué dans environ 200 films, mais aussi dans plus de 50 pièces de théâtre. Malgré son âge, il n'a pas envie d'arrêter sa carrière d'acteur.
Consécration dans Le Mépris
Michel Piccoli débute au cinéma en faisant une première apparition dans "Sortilèges", de Christian-Jaque, en 1945. Dans les années 40, il est principalement comédien au sein de troupes de théâtre puis à partir des années 50, il joue également pour le cinéma, ayant généralement des petits rôles. C'est en 1963 que Michel Piccoli est révélé au public grâce au film Le Mépris de Jean-Luc Godard. Film franco-italien, adaptation du roman du même nom d'Alberto Moravia, il met en scène un couple uni, représenté par Michel Piccoli et Brigitte Bardot, qui fait la rencontre d'un producteur. Laissant sa femme auprès de celui-ci, il s'ensuit malentendus, mépris et séparation du couple. Le film est un succès, étant à la septième place du classement au box-office français en 1963.
En 1965, Michel Piccoli joue dans le téléfilm Dom Juan ou le Festin de Pierre de Marcel Bluwal. Il y tient le premier rôle, celui de Dom Juan, homme libre qui n'a pas peur de Dieu et qui n'hésite pas à blasphémer et faire ce qu'il veut, aux cotés d'un Sganarelle, joué par Claude Brasseur, désespéré par l'attitude de son maître.
Michel Piccoli enchaîne ensuite de nombreux rôles, dirigé par les plus grands réalisateurs parmi lesquels Renoir, Chabrol, Demy et Alfred Hitchcock. Il excelle alors dans les rôles de séducteurs rassurants mais n'hésite pas à expérimenter des rôles plus provocants, voire scandaleux comme dans "La Grande Bouffe"et "Grandeur Nature" en 1973. Après avoir joué les escrocs dans "Trio Infernal" en 1974 et "Sept Morts sur Ordonnance" en 1975, il obtient le prix d'interprétation masculine à Cannes en 1980 pour son rôle dans "Le Saut dans le Vide" en 1979. Malgré une longue carrière, il conserve un certain succès dans les années 1990 et 2000. En 2009, l'acteur, alors âgé de 83 ans, donne volontiers la réplique aux plus jeunes dans "Le Bel âge" où il prouve aisément sa capacité à transmettre l'émotion aussi bien que la jeune génération, incarnée ici par Pauline Etienne.
Son idylle avec Romy Schneider
Michel Piccoli devient un acteur fétiche de plusieurs réalisateurs : Luis Buñuel avec 8 films, Marco Ferreri avec également 8 films et Claude Sautet avec 5 films. Il a également joué six fois aux côtés de Romy Schneider dans "La voleuse", "Les choses de la vie", "Max et les Ferrailleurs", "Le trio infernal", "Mado" et "La passante du Sans-Souci". En 2015, il révèle qu'il a eu une idylle avec la comédienne : "Elle et moi avons eu la faiblesse de nous laisser aller à des gestes pas toujours très honnêtes."
Habemus Papam, son dernier grand rôle
En prenant de l'âge, Michel Piccoli acquiert une forme d'autorité et de sagesse que le facétieux Nanni Moretti décèle bien en lui offrant le rôle principal dans Habemus Papam, en 2011, où il incarne un Pape en plein doute, qui se demande si ce n'est pas trop pour un seul homme, que d'incarner la foi et l'espoir pour toute une religion et des millions de fidèles. Il s'agit là de l'un de ses derniers grands rôles mais, à près de 90 ans, l'acteur n'a pas encore renoncé à sa carrière.
Michel Piccoli réalisateur
Sans délaisser le théâtre, Michel Piccoli s'essaie à la réalisation avec d'abord deux courts métrages puis des longs métrages : "Alors Voilà" en 1997, "La Plage Noire" en 2001 et "C'est pas tout à fait la vie dont j'avais rêvé" en 2005. En 1983, il est narrateur dans l'enregistrement "d'OEdipus rex" d'Igor Stravinsky. Il enregistre également les lectures de "Gargantua" de François Rabelais et des "Fleurs du mal" de Charles Baudelaire. Il fait une reprise du "Déserteur" de Serge Reggiani, en 2002, sur l'album hommage "Autour de Serge Reggiani". Il publie aussi deux ouvrages : "Dialogues égoïstes" écrit en collaboration avec Alain Lacombe en 1976 et "J'ai vécu dans mes rêves" en collaboration avec son ami Gilles Jacob en 2015.
Son ex-femme Juliette GrécoMichel Piccoli est d'abord marié une première fois, en 1954, à l'actrice Eléonore Hirt, avec qui il a une fille du nom d'Anne-Cordélia Piccoli. S'étant brouillé avec sa fille, il n'a depuis plus aucun contact avec elle. Après une liaison avec Romy Schneider, il épouse la chanteuse Juliette Gréco en 1966 jusqu'en 1977, lorsqu'elle le congédie. Ils étaient considérés comme un couple de légende. Puis en 1978, il se marie avec la scénariste Ludivine Clerc. Ensemble, ils adoptent deux enfants, Inord et Missia, d'origine polonaise
Ses engagements politiques
Michel Piccoli s'engage en politique, d'abord en étant membre du Mouvement de la Paix (communiste), puis avec les socialistes. Totalement contre le Front National, il soutient François Mitterrand en 1974 et 1981 et, en 2007, il appelle à voter pour Ségolène Royal, en signant avec 150 intellectuels un texte "contre une droite d'arrogance", pour "une gauche d'espérance".
Dans une longue interview à l'Express en 2000, il précise que sa conscience politique s'est réveillée lors de la Seconde Guerre mondiale en entendant tout d'abord Hitler à la radio puis l'appel du 18 juin par De Gaulle. Il dit également qu'en s'engageant en politique, bien qu'il ne se considère pas comme militant, il ne pensait un instant que cela aurait pu avoir un impact ou non sur sa carrière.
Il évoque sans détour la maladie et la mort.Michel Piccoli est un acteur qui dit ce qu'il pense. Aussi, en 2015 à l'aube de ses 90 ans, lorsqu'il publie son autobiographie aux éditions Grasset, il n'hésite pas à évoquer des sujets difficiles comme la vieillesse, la maladie et la mort. Le comédien racontant notamment souffrir d'un mémoire qui lui faisait défaut. "On voudrait que ça ne s'arrête jamais et cela va s'arrêter. C'est très difficile. La mémoire se dégrade. Et je suis victime de cette catastrophe pour un acteur." Il expliquait que le monde du spectacle lui confiait de moins en moins de travail : "Parfois, je me sens très bien et je suis indigné de ne plus jouer parce que les médecins et les assurances rendent la décision de me choisir compliquée." Au sujet de la mort, Michel Piccoli se montrait très clair : "J'aimerais ne pas mourir !"
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