L'édito de l'Opinion
Edito libre
Mirage
Crise du coronavirus: le mythe du plus rien comme avant, ou le risque du pire qu’avant
Par Nicolas BEYTOUT
Lorsque Esther Duflo parle de la crise sanitaire, c’est avec toute l’autorité que lui confère son récent prix Nobel d’économie : « C’est vraiment le moment keynésien par excellence », explique cette bril
lante économiste française, ajoutant : « Il faut emprunter massivement ». Personne, d’ailleurs, ne songerait à faire l’inverse : le monde est un malade en situation d’urgence auquel, en déversant des milliers de milliards de dollars et d’euros, on administre des traitements hors normes.
Les normes, justement : qu’elles soient budgétaires, sociales, industrielles, financières, tous ceux qui se sont fait une spécialité de les dénoncer célèbrent déjà leur victoire. Pour eux, rien ne sera plus comme avant. L’heure est enfin revenue à l’interventionnisme de l’Etat, aux nationalisations, à la régulation, à la souveraineté industrielle. Et vive la dépense publique.
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Magnifique mirage. Car comment faire dans un pays qui dépense déjà plus que les autres ? Comment expliquer son inefficacité malgré plus de 600 milliards d’euros consacrés chaque année à la santé ? Comment réindustrialiser massivement nos territoires avec des coûts de production et des prix de vente qui massacreront le pouvoir d’achat des Français ? Et comment faire dans un pays où l’Etat en est déjà à quémander la générosité des Français pour abonder une cagnotte de solidarité ?
Si, après la crise, plus rien ne doit être comme avant, ce ne sera pas en dépensant plus mais en le faisant différemment : davantage pour la santé, pour la sécurité, et moins ailleurs. Et quand le rêve de l’argent gratuit se sera dissipé et qu’il faudra s’interroger sur comment payer, on pourra se tourner vers Jean Tirole, lui aussi prix Nobel d’économie, qui rappelle que « la croyance forte dans l’innocuité de l’endettement » nous mettra rapidement dans les mains des marchés financiers. Pire que les jours d’avant.
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