Billet fiscal
Coronavirus: la dette, future fossoyeuse de notre liberté
Et si, plus que par les lois d’exception, c’était par le cercle vicieux des finances publiques que nos libertés individuelles risquaient le plus ?
Le Grand confinement. Pire que la Grande dépression de 1929, pire que la Grande récession de 2009, c’est ainsi que le FMI a baptisé la crise sans précédent historique dans laquelle la pandémie du coronavirus a plongé le monde. Avec des conséquences économiques « glaçantes », écrit dans l’Opinion Jade Grandin. Elles sont tout aussi épouvantables pour la France.
L’endettement, record I. Dans l’Opinion encore, Raphaël Legendre s’alarme : « Prolongation du confinement : la croissance dévisse, la dette explose. » Cette dernière dépasse désormais 115 % du PIB, un montant jamais vu en temps de paix. Pour mieux souligner le caractère inouï de la situation, notre spécialiste insiste : « Le passage d’un lockdown de six à huit semaines entraîne peu ou prou l’équivalent d’un an d’endettement supplémentaire… » Même la députée socialiste Valérie Rabault s’inquiète : le niveau de dette levée par la France « sera le plus élevé de notre histoire » (Les Echos). La machine à dette tournait déjà à plein. En début d’année, l’Agence France Trésor prévoyait d’émettre pour 205 milliards d’euros d’OAT (déjà un record) ; ce sera a minima 245 milliards pour un besoin de trésorerie total de 322 milliards. Il faut relire la lettre de Turgot à Louis XVI (1774) : «Point de banqueroute, point d’augmentation d’impôts, point d’emprunt. Pour remplir ces trois points, il n’y a qu’un moyen : c’est de réduire la dépense au-dessous de la recette. »
La dépense publique, record II. Pauvre Turgot ! Depuis 1974, l’Etat a chaque année dépensé plus qu’il n’encaissait. En 2020, son déficit dépassera 183 milliards d’euros. C’est 7,6 % du PIB. En y ajoutant la Sécu et les collectivités locales, on atteint 9 %, du jamais vu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et encore s’agit-il d’une évaluation optimiste. Logique, les dépenses publiques explosent : de 55,6 % à 60,9 % – « un niveau jamais atteint sans doute dans l’histoire de France hors période de guerre », insistent encore Les Echos. Dans les années 1970, le Plan craignait qu’au-delà de 40 %, notre pays n’entra dans un régime collectiviste. Nous y voilà. Pas de doute, les débats du jour d’après porteront sur le « toujours plus ». Sur le combien plutôt que sur le comment. Or, la crise sanitaire le montre, notre niveau de dépense ne justifie pas la qualité des services publics rendus. Nicolas Marques (Institut Molinari) l’a déjà expliqué dans l’Opinion : il ne faut pas résumer la crise du coronavirus au manque d’argent. Répétons-le: les deux tiers de la hausse des dépenses publiques depuis 1959 sont le fait des retraites. Autrement dit, en optant pour une distribution sans limite des prestations sociales, les Français ont fait le choix collectif d’appauvrir l’Etat régalien. La protection sociale ponctionne 24 % de la richesse nationale, la sécurité et la défense moins de 2 %. Sans surprise, la qualité ne suit pas. L’Allemagne dépense autant que la France pour sa santé (un peu plus de 11 % du PIB) pour des résultats contre la pandémie, à ce stade, bien meilleurs. Et surtout, avec un taux de pression fiscale de 38,2 %, contre 46,1 % chez nous.
La pression fiscale, record III. C’est un petit paradoxe de la crise. Notre taux de prélèvements obligatoires – record absolu au sein de l’OCDE – devrait reculer cette année, de 44,1 % à 44 %. Waouh ! C’est que les recettes s’évaporent, faute d’activité et sur le coup des aides gouvernementales (manque à gagner : a minima 43 milliards d’euros). Et demain, qui paiera ? Dans l’Opinion, le député LREM rapporteur du budget Laurent Saint-Martin le jure : « Il n’y aura pas de remontée de la pression fiscale sous notre mandature. » Gérald Darmanin, ministre des Comptes publics, dit qu’il n’entend pas «imaginer de nouvelles formes d’impôts. » Le débat débute à peine. Un : les économistes ont raison de dire qu’il serait absurde d’augmenter les impôts en plein redémarrage – mais que faire si cette reprise s’avère plus longue que prévu ? Deux : comme l’écrivent pour l’Institut Montaigne Hakim El Karoui, Michel Duclos et Bertrand Martinot, « la répartition du fardeau risque de s’effectuer par une combinaison de hausse d’impôts, de spoliation des épargnants et de baisse des salaires réels » – mais alors comment doser le cocktail ? Trois : financer un plan intégralement par la dette, « c’est insensé», s’écrit Valérie Rabault, pour qui il faut faire contribuer les plus aisés, en commençant par « remettre l’ISF. » Or dans un contexte de pression fiscale déjà très élevée, Victor Fouquet et Frédéric Douet, rappellent dans Le Figaro : « De plus en plus lourde, la fiscalité française s’est aussi avérée au fil du temps de plus en plus concentrée, du fait de la très forte progressivité des impôts directs, et surtout de la transformation des cotisations sociales en impôts supplémentaires sur le travail. »
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