samedi 9 novembre 2019

LA CHUTE DU MUR DU MUR DE BERLIN


L'Histoire éclaire le présent

Enquêtes et récits

9 novembre 1989

Le Mur de la honte s'écroule



Pour les Allemands, le 9 novembre rappelle tout à la fois l'avènement de la République (1918), le pitoyable « putsch de la Brasserie » (1923), la sinistre « Nuit de Cristal » (1938) et l'heureuse chute du Mur...
Chacun se souvient de la nuit du 9 au 10 novembre 1989... Cette nuit-là, devant les caméras du monde entier, de jeunes Allemands de l'Est et de l'Ouest brisent le Mur de la honte qui divise Berlin depuis le 13 août 1961. Les jeunes gens prennent de court les dirigeants des deux bords qui ne s'attendaient pas à un enchaînement aussi rapide des événements.

Les peuples contre les dictatures

Réceptifs à la politique de glasnost (transparence) initiée trois ans plus tôt par le dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev, les dirigeants hongrois ont été les premiers à soulever la chape de plomb communiste.
Le 2 mai 1989, ils annoncent leur intention d'entr'ouvrir leur frontière avec l'Autriche. Des centaines d'Allemands de l'Est se précipitent alors en Hongrie dans l'espoir de bientôt passer à l'Ouest. En septembre, ils sont plusieurs milliers à s'enfuir de la sorte.
En République Démocratique Allemande (RDA), à Leipzig puis dans les autres villes du pays, les opposants au communisme quittent le secret des temples luthériens et manifestent au grand jour. Ils ont pourtant quelque motif de craindre le sort des étudiants chinois de la place Tien An Men, à Pékin, sauvagement écrasés au même moment.
Le pouvoir est-allemand vacille. Début octobre, il autorise le transfert à l'ouest de plusieurs milliers de ses ressortissants qui s'étaient réfugiés dans l'ambassade ouest-allemande de Prague. Sa faiblesse s'affiche dans ces trains qui traversent l'Allemagne de l'Est, pleins de réfugiés triomphants !
Le 7 octobre 1989, lors du défilé commémoratif du 40e anniversaire de la RDA, Erich Honecker (77 ans), secrétaire général du Parti communiste est-allemand, doit supporter les acclamations qui montent vers... son invité, le réformiste Mikhaïl Gorbatchev (57 ans) : « Gorbi, Gorbi ! ». Après ce camouflet, le 18 octobre, il laisse la place à Egon Krenz, un dirigeant aussi stalinien que lui mais plus jeune (51 ans).
Berlin, 9 novembre 1989, un grand jour de l'Histoire européenne (DR)Rien n'arrête plus l'Histoire. Un million de manifestants à Berlin-Est entraînent la démission collective du gouvernement communiste le 7 novembre.
Deux jours plus tard, le 9 novembre, vers 18h, Günter Schabowski, membre du bureau politique, annonce très simplement la décision du gouvernement de RDA vis-à-vis des Allemands de l'Est :
« Les voyages privés à destination de l'étranger peuvent désormais être demandés sans aucune condition particulière ».
« À partir de quand ? » demande un journaliste.
« Autant que je sache... tout de suite », répond le dirigeant !
Quelques heures plus tard, on compte déjà des dizaines de milliers de Berlinois devant les sept postes-frontière du Mur.
À 22h15, le poste-frontière le plus au nord, à Bornholmer Straβe, est ouvert et la foule s'y engouffre dans une euphorie indescriptible, sous le nez des redoutables garde-frontières est-allemands, les « vopos ». En près de 30 ans, ces derniers ont tué 239 personnes qui tentaient de franchir le Mur. Cette fois, ils gardent l'arme au pied. Ils comprennent que leur temps est révolu.
Au cours de la nuit, les autres postes-frontière sont à leur tour ouverts. Les Berlinois de l'Est comme de l'Ouest ne se contentent pas de cela. Qui avec un marteau, qui avec une pioche, chacun s'attaque au béton du Mur (3,60 mètres de haut, 160 kilomètres de long et 300 miradors).
Mstislav Rostropovitch devant le Mur (novembre 1989), DRC'en est fini de cinquante ans de séparation et d'antagonismes entre les deux parties de Berlin et les deux Allemagnes, la République Fédérale d'Allemagne (RFA, en allemand, Bundesrepublik Deutschland, BDR), sous influence occidentale, et la République Démocratique Allemande (RDA, en allemand Deutsche Demokratische Republik, DDR), sous domination soviétique.
Les idéologies chavirent dans un enthousiasme débridé. Personne ne s'inquiète encore des lendemains difficiles de la réunification. Le violoncelliste russe Mstislav Rostropovitch (72 ans) se rue à Berlin pour donner un concert improvisé devant le Mur...
Sans perdre de temps, le chancelier fédéral Helmut Kohl impose une unification monétaire puis politique des deux parties de l'Allemagne. L'unité est officialisée le 3 octobre 1990. Ce jour est depuis lors fête nationale en Allemagne.
En 1999, le chancelier Kohl laissera à son successeur l'honneur d'inaugurer l'installation des pouvoirs publics à Berlin, qui fut déjà la capitale de l'Allemagne de 1871 à 1945.
Mitterrand et la réunification allemande
Le 3 novembre 1989, dans une conférence de presse donnée en Allemagne, le président français déclare : « Je n'ai rien contre la réunification ». Mais, comme tout un chacun, il songe alors à une réunification très progressive. Après la chute du Mur, François Mitterrand cache mal son irritation et ne donne aucun signe d'encouragement à son ami Helmut Kohl. Il craint que l'avènement d'une Allemagne unie et puissante au coeur de l'Europe ne marginalise la France.
Début décembre, il rencontre Mikhaïl Gorbatchev à Kiev. Il échoue, semble-t-il, à le convaincre de freiner les ardeurs du chancelier ouest-allemand. Gorbatchev, il est vrai, a rencontré à Bonn, dès juillet, le chancelier ouest-allemand Helmut Kohl et il lui a promis de ne pas entraver le processus de réunification en échange d'une aide financière massive de l'Allemagne à l'Union soviétique.
Le 19 décembre, comme si de rien n'était, le président français effectue auprès du gouvernement moribond de Berlin-Est un voyage officiel qui était prévu de longue date.
Non content de cette maladresse, François Mitterrand exige du chancelier ouest-allemand, en préalable à la réunification, une reconnaissance formelle de la frontière germano-polonaise issue de la dernière guerre. Pour les Allemands de l'Ouest en général, et Helmut Kohl en particulier, cette attitude qui met en doute leur pacifisme est ressentie comme une provocation.
Ces nuages sur les relations franco-allemandes ne ralentissent en rien la course à la réunification. Ils témoignent simplement du décalage entre la réalité et la diplomatie française, qu'incarnent à ce moment-là François Mitterrand et son ministre Roland Dumas.
Le président français, prenant acte plus tard du caractère inéluctable de la réunification, va négocier en contrepartie le sacrifice du deutsche Mark sur l'autel de l'union monétaire européenne. Ce projet débouchera sur la signature du traité de Maastricht le 7 février 1992.
André Larané

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire