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L'ÉDITO DE L'OPINION
Algorithme
Détection de la fraude fiscale: un projet liberticide
par Rémi GODEAU
En chaque contribuable sommeille un fraudeur potentiel. Demain, cette présomption de culpabilité générale autorisera l’administration fiscale à collecter en masse des données personnelles sur les réseaux sociaux et les plateformes. En une inversion de méthode effrayante, le fisc scannera la vie
privée des assujettis, avant de déclencher un contrôle ciblé si le traitement algorithmique de leur data signale un « doute ». Cette surveillance de principe suivie d’une détection automatique nécessitera que Bercy Brother compare, pendant une phase d’autoapprentissage, le mode de vie du déclarant dit normal aux agissements de l’escroc en puissance. Le contrôle social au service du fiscal !
Voilà la lutte contre la fraude fiscale telle que la rêve l’article 57 du budget pour 2020, en discussion. L’objectif est légitime et dûment motivé. Mais les moyens pour y parvenir sont inadmissibles. Sauf à considérer que les libertés individuelles ne signifient plus grand-chose en France. Consultée à la va-vite, la Cnil s’est émue d’un projet « susceptible de porter atteinte à la liberté d’opinion et d’expression ». Et ses réserves jettent le discrédit sur un texte pas vraiment digne d’un Etat de droit : disproportion de l’outil au vu de sa finalité, impacts substantiels sur la vie privée, intrusion dangereuse pour la confidentialité, périmètre flou des infractions concernées…
Habitué à être plumé, le citoyen-payeur est désormais sommé d’accepter d’être déshabillé. De quoi se plaint-il ? L’exécutif s’engage à ne pas utiliser la reconnaissance faciale. Risible si ce n’était tragique ! Dans son admirable essai Sans la liberté, François Sureau se demande « si l’amour de la liberté n’est pas une référence morte ». Aux parlementaires de lui démontrer qu’il se trompe et de voter contre l’article 57.
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