Présentation
ANTICOR est une association fondée en juin 2002 par Éric Halphen et Séverine Tessier pour lutter contre la corruption et rétablir l’éthique en politique. Son ambition est de réhabiliter le rapport de confiance qui doit exister entre les citoyens et leurs représentants, politiques et administratifs.
L’association regroupe des citoyens et des élus de toutes tendances politiques engagés pour faire respecter les exigences démocratiques non partisanes.
Lors des élections, Anticor propose aux candidats une charte définissant un engagement éthique irréprochable. L’association veille au respect de cette charte par les élus et les fonctionnaires qui s’engagent pour une probité et la recherche de l’intérêt général.
Avec les lanceurs d’alertes, Anticor s’implique dans des affaires judiciaires importantes en signalant au parquet des faits susceptibles de recevoir une qualification pénale.
Pour agir en toute indépendance, Anticor a choisi de ne bénéficier d’aucune subvention. Son financement est assuré uniquement par des dons et les cotisations de ses adhérents.
L'affaire classée sans suite, a fait l'objet d'une plainte de cette association qui aboutit à la mise en examen de Richard Ferrand. La description des faits est relatée dans un article du point que nous reproduisons.
« Il y a eu une volonté de dissimulation de la part de Richard Ferrand »
Anticor est à l'origine des poursuites contre le président de l'Assemblée nationale. L'avocat de l'association, Jérôme Karsenti, se défend d'instrumentaliser la justice.
Propos recueillis par Marc Leplongeon
L'avocat d'Anticor n'avait pas connu une telle effervescence depuis des années. Après trente ou quarante entretiens téléphoniques avec la presse depuis l'annonce, tôt jeudi matin, de la mise en examen de Richard Ferrand, Jérôme Karsenti s'étonne : « Je ne me rappelle pas avoir vu un tel raz-de-marée. » C'est l'association qu'il conseille, Anticor, qui a été, dès le printemps 2017, à l'origine des poursuites visant le patron de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand. La justice lui reproche des transactions immobilières impliquant sa compagne, à l'époque où il était président des Mutuelles de Bretagne.
En 2011, les Mutuelles se cherchent en effet de nouveaux locaux. La compagne de Richard Ferrand, Sandrine Doucen, va alors créer une SCI, contracter un prêt bancaire et acquérir un immeuble commercial à la condition suspensive qu'ils soient loués par les Mutuelles de Bretagne. Ce qui sera effectivement le cas. En plus d'une rénovation complète des locaux payée 184 000 euros par la mutuelle, la SCI verra la valeur de ses parts « multipliée par trois mille » six ans plus tard, écrivait Le Canard enchaîné. Les échéances du prêt seront entièrement remboursées par les loyers versés par les Mutuelles, de sorte que Sandrine Doucen n'aura pas à débourser de l'argent. Une opération très rentable, à l'origine des déboires judiciaires de ce très proche du président de la République. En octobre 2017, alors que l'enquête est classée sans suite, l'association Anticor dépose plainte avec constitution de partie civile. Et relance toute l'affaire. Entretien avec son avocat, Me Jérôme Karsenti.
Le Point.fr : Gilles Le Gendre, le président du groupe La République en marche (LREM) à l'Assemblée nationale, accuse Anticor de « peser sur le fonctionnement normal des institutions ». Qu'en pensez-vous ?
Jérôme Karsenti: C'est grave. Discréditer un contrepouvoir citoyen de cette manière, ce n'est pas digne d'un pouvoir politique. Anticor est une association transpartisane. On ne choisit pas des cibles en fonction de leur couleur politique. Nous ne sommes pas des fossoyeurs de la République. Ce qui nourrit le populisme, c'est le discrédit des politiques. S'ils avaient un peu plus de vertu, probablement que le populisme s'éteindrait, même s'il y a évidemment d'autres raisons comme la pauvreté, les inégalités sociales, etc. Mais la question de la parole publique est au cœur de nos démocraties.
Nous n'avons pas relancé une affaire classée sans suite, nous avons porté plainte dès le début, dès la révélation des faits par LeCanard enchaîné, en mai 2017. Il y avait à nos côtés Les Républicains et une autre association, le Fricc [Front d'intervention contre la corruption, NDLR]. Ce qui est intéressant, c'est qu'aucun de nous trois n'avait déposé plainte pour prise illégale d'intérêts. De mémoire, le Fricc s'était concentré sur le délit d'entrave aux fonctions de commissaire aux comptes, les Républicains sur l'escroquerie, et Anticor sur l'abus de confiance. À l'époque, nous avons basé notre analyse juridique sur les éléments publiés par la presse, et avions conclu, après une analyse rapide, que les Mutuelles de Bretagne étaient une personne morale de droit privé. Nous avions donc commencé par écarter la prise illégale d'intérêts, qui ne peut être constituée que si l'auteur des faits est chargé d'une mission de service public.
Richard Ferrand était bien chargé d'une mission de service public et les faits ne sont pas prescrits
Or, le procureur de Brest, qui a classé l'enquête le 13 octobre 2017, a estimé que les Mutuelles de Bretagne offraient des « prestations de santé ouvertes à tout public et recevaient des subventions publiques ». La question d'une prise illégale d'intérêts restait donc ouverte, bien que, toujours selon le parquet, l'enquête pénale n'ait pas permis de répondre « avec certitude » à cette question...
L'enquête du parquet de Brest n'a pas été bâclée. Elle a même été très minutieuse, avec des auditions, des confrontations, etc. Qu'est-ce que nous dit le procureur, à l'époque ? Que ni l'abus de confiance ni l'escroquerie ne sont caractérisés. En revanche, de lui-même, le procureur va aborder la question de la prise illégale d'intérêts, pour finalement affirmer qu'il n'était pas certain que Richard Ferrand était chargé d'une mission de service public, et que, dans tous les cas, l'affaire était prescrite au 19 juin 2015, trois ans après le départ de Richard Ferrand des Mutuelles de Bretagne. Pour nous, il s'agissait clairement d'un appel du pied du procureur qui, s'il n'a pas voulu poursuivre – pour des raisons d'opportunité politique ? – a répondu à notre plainte sur une infraction que nous n'avions même pas signalée...
Dès lors, une fois que le classement sans suite a été prononcé, il vous appartenait, comme la loi le permet, de déposer plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d'instruction.
Oui, nous avons déposé plainte auprès du Parquet national financier. Le juge Renaud Van Ruymbeke [parti à la retraite, NDLR] a été désigné. Éric Alt, le président d'Anticor, a été auditionné en ma présence. Le juge, après un examen des faits, avait l'intention de convoquer M. Ferrand aux fins de mise en examen. Mais ses avocats ont réclamé le dépaysement de l'affaire au motif qu'Éric Alt est magistrat à Paris, et qu'il était impossible d'instruire les faits ici. Le procureur général a donné son accord et la Cour de cassation a validé le dépaysement à Lille. En réalité, Éric Alt est magistrat aux prud'hommes et n'exerce même pas dans les mêmes locaux que les juges d'instruction, mais bon, nous n'avons pas été consultés sur ce point et n'avons pas pu faire valoir le moindre argument à ce sujet. Pour l'anecdote, sur la base de cette jurisprudence, Éric Dupond-Moretti demandera également le renvoi lors du procès Balkany, car Anticor était partie civile, ce qui ne lui sera pas accordé.
Les choses vont donc être prises en main à Lille avec une nouvelle série d'actes...
Un juge, accompagné de deux magistrats en cosaisine, va prendre l'affaire. Le juge va entendre beaucoup de gens, réauditionner certaines personnes qui l'avaient déjà été lors de l'enquête préliminaire, et va finalement décider de la mise en examen de Richard Ferrand. On arrive à la fin de l'instruction et il a visiblement considéré que Richard Ferrand était bien chargé d'une mission de service public et que les faits n'étaient pas prescrits...
Justement, c'est ce que l'on a du mal à comprendre. Comment un procureur, celui de Brest en l'occurrence, peut-il conclure qu'une affaire est prescrite et être contredit par un juge d'instruction deux ans plus tard sur la base des mêmes faits ?
Il y a eu une lecture différente. Lors de l'enquête, les policiers ont entendu les neuf administrateurs présents au moment du vote sur le contrat de bail. Trois ont déclaré avoir été au courant que les locaux étaient loués à Sandrine Doucen, la compagne de Richard Ferrand. Pour ce dernier, c'est la preuve que rien n'a été dissimulé, et que les faits sont donc prescrits. À Anticor, nous pensons au contraire qu'il s'agit d'une infraction occulte. Les six autres administrateurs présents, ce qui fait une majorité, ont en effet affirmé avoir ignoré que la propriétaire des locaux était la compagne de Richard Ferrand. Et le commissaire aux comptes a déclaré qu'il n'avait pas été saisi par les Mutuelles de Bretagne, alors qu'il se doit normalement de donner un avis sur les conventions règlementées. Pour nous, il y a clairement eu une volonté de dissimulation de la part de Richard Ferrand vis-à-vis des autorités de contrôle. Là est la vraie divergence : le parquet de Brest a estimé qu'il y avait trois personnes au courant au moment des faits, et que la prescription était donc acquise. Nous, nous pensons que la prescription a commencé à courir lorsque les faits ont été révélés par la presse.
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