samedi 11 mai 2019

CA VA SECOUER


Ca va secouer

ADP: very bad RIP pour Macron

Après la validation par le Conseil constitutionnel, le prochain verrou pour organiser un référendum d’initiative partagée sur ADP s’annonce plus redoutable encore : collecter la signature de plus de 4,7 millions de Français. Gauche et droite feront-elles campagne ensemble ?



Le Conseil constitutionnel a donné son feu vert jeudi à la proposition de référendum d’initiative partagée déposée par des parlementaires opposés à la privatisation d’Aéroports de Paris. Il s’agit d’une première dans l’histoire politique française. La semaine prochaine, les Sages auront à se prononcer sur quatre autres recours contre la privatisation d’ADP et sur le projet de loi Pacte, déposés par les députés de gauche de l’Assemblée nationale, le groupe PS du Sénat et les groupes LR de l’Assemblée et du Sénat.
C’est ce qu’on appelle un joli coup. Et jusque-là, personne n’y était parvenu. Le Conseil constitutionnel a jugé jeudi conforme la proposition de loi pour instaurer un référendum d’initiative partagée (RIP) sur la privatisation d’Aéroports de Paris, prévue dans la loi Pacte. Le texte, signé par 248 députés et sénateurs, fruit d’une alliance aussi inédite qu’improbable des socialistes aux Républicains en passant par les communistes, vient de passer un verrou juridique de taille en obtenant le feu vert des Sages. Un revers pour Emmanuel Macron à trois semaines des élections européennes et une claque pour la macronie, qui n’avait pas vu le coup venir. « C’est vraiment incarné contre le Président. Ça peut nous péter à la gueule ! Ce serait le dernier clou dans le cercueil du Parlement », s’inquiète une députée LREM.

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Ce n’est que le début d’un long feuilleton. Dans les jours à venir, les Sages devront aussi se prononcer sur l’ensemble du texte, adopté par le Parlement au lendemain du dépôt du recours. « Il n’y a pas de contradiction juridique à valider la proposition de loi référendaire mais aussi la loi Pacte », estime le constitutionnaliste Didier Maus. Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a toutefois annoncé « qu’aucune décision ne sera prise sur la privatisation d’ADP pendant le délai de procédure » du RIP. Le dossier est donc gelé pour une très longue période.
Drôle de campagne. Au moins neuf mois, soit le temps accordé pour collecter les 4 717 396 millions de signatures – 10 % du corps électoral – nécessaires pour mener à bien cette procédure. La barre est haute mais l’objectif paraît de moins en moins inatteignable. La pétition « l’affaire du Siècle » pour attaquer l’Etat en justice contre le réchauffement climatique avait recueilli deux millions de signatures en quelques semaines seulement. « Beaucoup de gens ont envie de jouer un mauvais tour à Macron pour des raisons totalement opposées mais peu importe. Personne n’ira sonder leurs reins et leur cœur », note Didier Maus.
Plusieurs sondages illustrent l’opposition massive des Français à la privatisation d’ADP, comme ils étaient opposés à la privatisation des autoroutes. « La privatisation d’ADP dépasse le simple camp de la gauche et trouve un écho dans le passé gaulliste du pays. Une telle initiative peut potentiellement réunir des millions et des millions de Français », veut croire Guillaume Garot, député PS de la Mayenne. Pour jauger le niveau de mobilisation, le diable se nichera dans les détails. Le ministère de l’Intérieur va-t-il décider de publier régulièrement le nombre de signataires comme c’est désormais le cas pour les parrainages des candidats à la présidentielle ? Un tel compteur pourrait galvaniser les opposants.
Ces derniers, des Insoumis aux frontistes, se lancent dans une drôle de campagne. « C’est ce qu’on appelle un arc républicain. Ça va être une campagne intense », s’enthousiasme le député PS Boris Vallaud. « Chacun va mobiliser son électorat. Tout est possible », abonde la présidente du groupe PS Valérie Rabault, qui avait lancé les hostilités à l’Assemblée.
Encore faut-il que la droite s’implique dans cette phase de collecte. « J’espère que mon parti adoptera une position officielle lorsqu’un référendum sera organisé », anticipe Julien Aubert, député LR du Vaucluse, fervent opposant à la privatisation. « Le parti n’est pas à l’initiative de cette opération. Il ne s’occupera pas de la collecte », calme l’entourage de Laurent Wauquiez. « Pour l’instant, la règle, c’est la liberté de parole et de conscience », esquive une cadre du mouvement. Alors que les Insoumis, Jean-Luc Mélenchon et Eric Coquerel en tête, ont immédiatement appelé à poursuivre le travail transpartisan, la position des Républicains est délicate à tenir.
Et le député LR du Pas-de-Calais, Pierre-Henri Dumont l’illustre. Cet opposant à la privatisation d’ADP invite aujourd’hui à la prudence : « Déjà, il faut laisser passer les élections européennes avant de débuter la collecte. Ensuite, je ne pense pas que ce soit le rôle du parti de mobiliser les Français. Enfin, c’est au ministère de l’Intérieur de nous dire comment il compte mener cette collecte. Moi-même, je ne diffuserai pas de tract en faveur d’une intersyndicale des partis politiques. » En pleine reconstruction, la droite n’aurait aucun intérêt à s’afficher avec les forces de gauche. « Il faut éviter de troubler notre électorat au moment où l’on essaie de retrouver le socle électoral de François Fillon », avance un membre de la direction LR.
En terre inconnue. Pour la macronie, ce premier référendum d’initiative partagée les entraîne dans un voyage en terre inconnue. « Si 4,7 millions de Français sont favorables à un référendum sur ce sujet, ce sera un signal politique qu’il faudra prendre en compte », anticipe le président LREM de la commission des Affaires économiques et rapporteur de la loi Pacte, Roland Lescure. Le fond de l’air a changé. Le grand débat national a inoculé aux Français le virus d’une démocratie plus directe. « Ces trois derniers mois ont permis de populariser le concept de démocratie participative, qui avait été mis de côté après la défaite de Ségolène Royal à la présidentielle de 2007 », avance Cyril Lage, cofondateur de Cap Collectif, à l’origine de la plate-forme numérique du grand débat.
La décision des Sages fera jurisprudence pour la suite. Pour la première fois en France, les citoyens vont pouvoir constater qu’il est possible de convoquer le peuple si les parlementaires s’en saisissent. Mais rien ne dit que le référendum aura bien lieu. Il suffit que la proposition de loi soit examinée au moins une fois par chacune des deux assemblées dans un délai de six mois pour faire tomber la consultation populaire.
Si la majorité panique à l’idée d’affronter un référendum brûlant sur l’avenir d’ADP, qu’elle se prépare à la suite, car ce cas risque de se produire davantage. Pour répondre à la colère des Gilets jaunes, Emmanuel Macron a annoncé sa volonté d’assouplir les règles du RIP. Lors de sa conférence de presse fin avril, le chef de l’Etat a souhaité qu’il puisse être déclenché grâce à la signature d’« un million de citoyens ». Près de cinq fois moins qu’aujourd’hui. A ce rythme-là, ADP aurait déjà été nationalisé quatre fois.

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