LA GOÉLETTE SCIENTIFIQUE TARA EST RENTRÉE
A LORIENT
Le vendredi 8 septembre 2017, dans le cadre des conférences d'Emporium, Le Professeur Denis ALLEMAND avait fait un excellent exposé très instructif sur les expéditions du navire TARA. Cela avait permis de découvrir ou de comprendre davantage le but de ces expéditions.
Photo extraite du Toupin |
Vous pouvez revoir l'article de Rosette sur le Toupin du 9 septembre 2017.
Après deux ans et demi passés à explorer des récifs coralliens dans le Pacifique et à mesurer l'impact du changement climatique, la goélette scientifique rentre ce samedi riche de dizaine de milliers d'échantillons.
Après avoir sillonné l'océan Pacifique trente mois durant, une nouvelle boucle maritime s'achève pour Tara. La goélette, qui a parcouru 100.000 kilomètres, rentre aujourd'hui à Lorient. Deux ans et demi d'une épopée scientifique concentrée sur un objectif: mieux comprendre le fonctionnement des récifs coralliens, dont le rôle est essentiel pour l'océan comme pour les hommes. «On a vu des récifs de toute beauté, mais aussi des récifs très dégradés et je ne m'attendais pas à de tels contrastes», raconte Serge Planes, directeur du Criobe (centre de recherches insulaires et observatoire de l'environnement, CNRS-PSL) et directeur scientifique de l'expédition.
Une vision d'ensemble qui a permis aux chercheurs (23 laboratoires, 6 pays) de mieux comprendre les causes de ces variations dans l'état des différents récifs coralliens. Si le réchauffement climatique est bien sûr à l'œuvre par de grandes vagues de blanchissement, il n'est pas seul responsable du mauvais état de certains récifs. «Les sites en bon état sont clairement très éloignés de la civilisation humaine, souligne le scientifique. Cela ne veut pas dire que la présence des hommes entraîne nécessairement une dégradation, mais cela induit une relation avec la gestion du littoral. On se rend compte que la résilience du corail tient beaucoup aux mesures de lutte contre la pollution menées à terre.»
Obtenir une vision globale
Mais l'enjeu de l'expédition était aussi de se placer sur une «échelle microscopique plus que macroscopique», poursuit-il. Ce qui représente un champ assez nouveau d'investigation. Pour ce faire, plus de 30.000 échantillons ont été prélevés. Il s'agit d'obtenir une vision globale des écosystèmes et de comprendre les liens des coraux avec les microbactéries, les champignons, les virus et bien sûr les algues, dont les zooxanthelles, qui vivent en symbiose avec eux… «On s'intéresse à la microbiodiversité des coraux un peu comme au microbiote chez l'homme», poursuit le chercheur.
Une part des travaux va concerner la génétique. La diversité corallienne étant immense, les chercheurs se sont intéressés à trois espèces de coraux parmi les plus répandues dans le Pacifique, et qui jouent des rôles très différents (Pocillopora, une espèce branchue, Porites, un corail très massif, et enfin Millepora, plus connu sous le nom de corail de feu). «On va voir comment, avec différents génotypes -les différentes constitutions génétiques d'une même espèce-, ces coraux réagissent par rapport à leur environnement», souligne Patrick Winckler, directeur du Genoscope (CEA) et membre de l'expédition. Les chercheurs espèrent ainsi obtenir une image du récif corallien sur les deux années écoulées et, au fil du temps, voir son évolution dans le cadre du changement climatique, notamment par rapport à d'autres récifs.
«On s'attend à des découvertes essentielles comme lors de Tara Océan (précédente expédition, NDLR) qui a permis des avancées majeures sur le plancton», confirme Serge Planes. Reste que les premiers grands résultats et les publications scientifiques qui les accompagneront verront le jour «au mieux dans deux ans». Certains programmes de recherche sont même prévus sur une dizaine d'années.
La question du plastique
«On a pu faire quasiment tout ce que l'on avait programmé», se félicite Romain Troublé, directeur général de la fondation Tara Expéditions, même si certains pays, l'Indonésie notamment, ont refusé de collaborer à cette étude pan-pacifique. Et même s'il reste encore 200.000 euros à réunir pour boucler le budget. «Chaque don compte, il y a toujours un déficit majeur dans le mécénat climatique, mais cela bouge depuis la COP21», assure-t-il.
Tara Pacific, onzième expédition du genre et quatrième de cette envergure, ancre un peu plus la fondation Tara comme l'un des acteurs majeurs de la connaissance scientifique sur l'océan. À titre d'exemple, 70 publications sont issues de la seule Tara Océan (2009-2013).
Avec un plus indéniable: la collaboration des mois durant des chercheurs et de l'équipage crée un lien humain très fort entre tous «que l'on ne trouve dans aucun autre projet européen», souligne Romain Troublé, les yeux déjà tournés vers le prochain rendez-vous: le tour des grandes villes européennes qui se trouvent au bord de l'eau, pour sensibiliser à la question essentielle du plastique. «En dix ans, nous ne nous sommes pas arrêtés plus de six mois», se félicite-t-il. De toute évidence, cela va continuer.
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