La gouvernance par la peur
L’actualité est difficile à suivre en ce moment et la presse, ayant sombré dans un mode de propagande aussi totale que grotesque qui en devient particulièrement visible, n’aide pas à donner une image claire des directions prises par les uns et les autres.
Ainsi du côté du gouvernement, on ne peut que noter l’embarras dans lequel il se trouve de tous les côtés qu’on le prenne.
Sur le plan politique, l’absence de majorité absolue pour la Renuisance du Président ou pour le groupe Ensemble à l’Assemblée provoque des difficultés manifestement pas envisagées par Emmanuel Macron qui ne semble pourtant pas encore prêt à négocier quoi que ce soit.
La défaite électorale de Bourguignon, l’actuel ministricule en charge de la Santé, aurait dû la condamner à démissionner bien vite pour être remplacée par l’un ou l’autre factotum du moment. Il n’en est rien : à la difficulté de cette période intérimaire jusqu’au vote de confiance à la politique générale du gouvernement, prévu le 5 juillet, s’ajoute celle de trouver un successeur pour ce poste de plus en plus sulfureux, ce qui explique sans doute que Bourguignon perdante n’ait pas été déjà flanquée dehors. Il en ressort une impression d’entre-deux dans laquelle toute prise de décision solide semble impossible.
Si l’on écarte une censure pure et simple du gouvernement le 5 juillet, il n’est cependant pas impossible que cette impression perdure même au-delà : entre l’intransigeance puérile du chef de l’État et les jeux de partis qui doivent maintenant sentir l’odeur du sang de la bête blessée, on comprend que les prochains mois ne pourront être placés sur de solides rails et sur une direction parfaitement claire.
Aux députés godillots succède maintenant la navigation à la godille…
Sur le plan économique, la presse continue d’enrober une réalité assez rêche d’une propagande décontractée.
L’inflation est résolument présentée comme légèrement embarrassante, quand bien même ses niveaux n’ont plus été vus depuis 1985 : avec une moyenne d’ores et déjà établie autour de 5,5% à l’année, on comprend que le chiffre réel, probablement de l’ordre du double, doit commencer à rendre quelques mains moites dans les administrations françaises et, surtout, chez certains hauts fonctionnaires qui comprennent, même s’ils n’ont pas le droit de le dire, que ceci ne peut pas signifier une rentrée calme et pondérée, le précédent des Gilets Jaunes ayant laissé des traces profondes.
À cette inflation résolument amoindrie par l’INSEE et adoucie par la presse, on ajoutera les chiffres de croissance qui frôlent la bonne blague puisque les prévisions officielles tournent autour de 2,3%, alors qu’on sait déjà que le premier et le second trimestre de l’année sont probablement négatifs. Si l’on factorise les inévitables problèmes de chaînes logistiques et d’approvisionnements qui continuent, alimentés par les décisions généralement contre-productives des autorités ainsi que la situation géopolitique internationale, tout indique que la rentrée de septembre et les mois suivants verront des rayons de supermarché se vider, des prix monter en flèche et des populations grogner de plus en plus fort en Europe.
Dans ce contexte, les gesticulations politiques actuelles de Borne et Macron n’augurent absolument rien de bon.
Mais le plus frappant est qu’à ces crises bien palpables, les autorités ne semblent répondre que mollement et la presse emboîte de façon maladroite en multipliant les angles aussi lénifiants que possible pour en atténuer la portée. À l’opposé, on trouve d’autres crises, de plus en plus artificielles et ressenties comme telles et pour lesquelles les mêmes autorités entendent répondre avec la plus grande fermeté et la plus belle des déterminations pendant que la même presse ne mégote pas sur les aspects anxiogènes.
On peut par exemple se référer à la récente « canicule », ses cartes géographiques en rouge cramoisi sans plus aucune nuance, l’avalanche de messages agressivement niais sur les besoins d’hydratation et de fermer les volets, et les mines plus ou moins affolées de nos hommes-troncs aux journaux télévisés pour comprendre que le Réchauffement Climatique De La Faute À L’Humain Néfaste Pour La Planète est maintenant de retour en pleine vigueur.
Manque de bol, la chaleur n’ayant pas décidé de rester plus longtemps sur le territoire, la presse et les autorités ont bien vite pivoté sur la recette des deux dernières années : vite, remettons un peu de Covid sur la table !
Et voilà que réapparaissent sur tous les plateaux télé les bobines méphitiques de nos télétoubibs qui s’empressent de vendre à nouveau l’idée (idiote et démontrée telle) qu’il va falloir remettre les masques dans les transports en commun, que l’épidémie repart – c’est horrible, puisqu’on vous le dit – et que seule une quatrième dosette d’un produit qui a déjà amplement montré son inefficacité (voire sa toxicité) va (enfin !) nous sauver à la rentrée, mais si, puisqu’on vous le dit.
Bien évidemment, les populations, lasses de picouses et de mensonges par action et par omission, commencent à montrer des signes clairs de désintérêt pour le narratif covidesque, ce qui pousse là encore les mêmes autorités et la même presse à tenter toutes les titrailles les plus hardies afin de faire germer l’idée que la variole du singe pourrait devenir un vrai sujet, une vraie crise, avec des vrais morts et des vraies paniques pandémiques – c’est horrible, puisqu’on vous le dit – auxquels on répondra avec fermeté et détermination, comme d’habitude.
Moyennant une focalisation sur les enfants et la prochaine rentrée (qui voit généralement se multiplier les cas de varicelle traditionnelle, c’est pratique et une confusion est si commodément arrivée, hein), gageons qu’une autoroute de l’angoisse va enfin s’ouvrir pour nos politiciens, nos télétoubibs et nos médias friands de catastrophes.
En 2020, la gouvernance par la peur a montré aux politiciens et aux médias son efficacité pour emmener les troupeaux de contribuables là où on les voulait. En 2022, cette même gouvernance montre de gros signes d’essoufflement, et si elle a peut-être (?) permis d’écarter une majorité NUPES à l’Assemblée ou Marine Le Pen à l’Élysée, elle déclenche surtout des dissensions au sein des sociétés occidentales entre ceux qui persistent à tomber dans les panneaux, encore et encore, et ceux qui finissent par comprendre l’entourloupe.
Ces derniers sont, certes, encore minoritaires. Mais cet hiver, lorsqu’il faudra se nourrir et se chauffer, gageons que les crises artificielles seront balayées par les réelles. Et à ce moment, il n’est pas dit que tout soit encore sous contrôle par les fines équipes actuellement en place…