dimanche 16 janvier 2022

LE PASS VACCINAL ET L'ASSEMBLEE NATIONALE

 



Covid-19 : pourquoi les députés n’auront pas besoin de passe vaccinal pour accéder à l’Assemblée

Voté à l’Assemblée après de longues heures de débats, le passe vaccinal qui devrait s’appliquer aux Français pour se rendre dans les bars, restaurants ou lieux de culture, n’est pourtant pas nécessaire pour les députés. Explications.


Illustration. Les députés et sénateurs n'auront pas besoin de passe vaccinal pour accéder aux hémicycles. LP/ Olivier Corsan

Sur les réseaux sociaux, la rengaine « Faites ce que je dis, pas ce que je fais » est reprise par de nombreux internautes, irrités par le vote, aux aurores jeudi matin, du projet de loi transformant le passe sanitaire en passe vaccinal. « Les députés disent : Je vote une loi qui ne s’appliquera pas à moi-même. Dans ce cas, les citoyens peuvent-ils leur répondre : Je n’applique pas une loi que vous avez votée ? », s’indigne par exemple Hélène.

« Que le passe sanitaire comme vaccinal ne s’applique pas à l’Assemblée nationale et au Sénat (…). Deux poids deux mesures et il espère voir les Français les deux doigts sur la couture du pantalon, au garde à vous mdr (sic) même pas en rêve », peste Jacky. « La blague (de mauvais goût) du jour : le passe vaccinal ne s’appliquera pas à l’Assemblée Nationale et au Sénat car plusieurs parlementaires ne sont pas vaccinés… », fustige aussi Nicolas Meilhan, spécialiste de l’économie.

Dans leur viseur, un petit amendement, le numéro 226, inscrit au milieu de centaines d’autres, qui n’a pas été voté mercredi soir. Il a été déposé et présenté par le député LREM de la 7e circonscription des Hauts-de-Seine, Jacques Marilossian. Celui-ci visait à étendre l’obligation de présentation du passe vaccinal à toute personne souhaitant accéder à l’Assemblée nationale ainsi qu’au Sénat. « Il s’agit de souligner l’enjeu de cohérence et d’exemplarité qui nous oblige tous sur ces bancs », a justifié l’élu à la tribune. Sans susciter d’engouement. Son texte a finalement été repoussé par le gouvernement et les députés. Petite exception : les restaurants parlementaires et les buvettes de l’Assemblée, déjà soumis au passe sanitaire, devraient aussi l’être au passe vaccinal.

Une décision anticonstitutionnelle ?

Si ce texte n’a pas été retenu, c’est notamment parce que certains parlementaires ne sont pas vaccinés, comme l’a expliqué le député LREM du Pas-de-Calais, Jean-Pierre Pont, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. « Faut-il leur interdire l’accès à l’hémicycle et à la délibération ? Car soyons clairs, telle serait la conséquence de cet amendement si nous l’adoptions. Même si je déplore les discours en question (des non-vaccinés), je n’oublie pas que ces députés représentent, eux aussi, le peuple, dont les 5 millions de personnes non vaccinées. C’est pourquoi la constitutionnalité du dispositif présenté dans cet amendement me paraît très fragile. 

C’est en effet la crainte d’un rattrapage par le Conseil constitutionnel qui a pu freiner le vote des députés, en raison, craignent certains, d’une « atteinte à la démocratie ». Les élus que nous avons contactés évoquent le « libre exercice du mandat parlementaire » et donc l’accès au débat et au vote, garanti par une décision des juges constitutionnels de 2008. « C’est bien dommage car j’y étais favorable, regrette le député LR de l’Oise, Maxime Minot. Cet amendement aurait pu être symbolique. Aux Républicains, je ne connais qu’un député sur les 105 qui n’est pas vacciné. C’est hallucinant de voir des députés pas vaccinés. »

Les hémicycles en théorie pas les seuls exemptés

Parmi ces réfractaires à l’injection contre le Covid-19, on trouve aussi Martine Wonner. L’anti-passe sanitaire alsacienne ne « s’est pas sentie inquiétée » car, indique-t-elle, elle a reçu « un certificat de rétablissement. Pas besoin de passe, on est malade, on ne vient pas. Point ».

Déçu mais pas résigné, Jacques Marilossian, à l’origine de cet amendement, nous glisse qu’il souhaitait « tenter le coup, qu’on laisse le Conseil constitutionnel donner son avis plutôt que de l’anticiper ».

Ce débat n’est pas nouveau. En juillet dernier, déjà, le président du Palais Bourbon avait expliqué que le passe sanitaire ne pourrait s’appliquer à l’hémicycle car il ne passerait pas « le contrôle du Conseil constitutionnel ». Le sénateur (LREM) des Hauts-de-Seine, Xavier Iacovelli, avait lui aussi tenté de faire inscrire cet amendement dans la loi. Avant d’essuyer un même refus.

Les hémicycles du Parlement ne sont pas les seuls lieux qui devraient être exempts de tout passe vaccinal. Comme mentionné dans un décret, les lieux de culte et les transports en commun du quotidien, comme le métro, le RER et le tramway, sont protégés, via des textes fondamentaux, par la liberté de culte et celle liberté d’aller et venir.

En ce qui concerne les manifestations, elles en sont aussi dispensées. En théorie. « Le droit de manifester est reconnu de manière jurisprudentielle par le Conseil constitutionnel sous l’appellation droit d’expression collective des idées et des opinions et la Convention européenne des droits de l’Homme est très claire à ce sujet », expliquait en octobre au Figaro Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l’université Paris-II. Un droit qui peut toutefois évoluer pour des raisons de santé publique (ou sécurité). « Le critère de proportionnalité prend aussi en compte la situation sanitaire actuelle et les risques de propagation du virus », ajoutait le professeur.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire