vendredi 19 juin 2020

L'EPARGNE DES FRANCAIS



Tribune Libre

«L’épargne des Français à la veille d’une mutation inéluctable». La tribune de Christophe Gloser


« La crise survient à un moment où l’avenir du fonds d’assurance-vie en euros était déjà remis en question » 

L’épargne des Français se nourrit abondamment d’un produit quasi-miraculeux : le fonds en euros. A fin mars 2020, il représente environ 80 % des 1 741 milliards d’euros d’épargne logés dans des contrats d’assurance-vie. Mais, s’il offre toujours sécurité et liquidité, le fonds en euros n’a plus la rentabilité d’antan, avec un rendement moyen tombé de 5,3 % en 2000 (3,6 points de mieux que l’inflation) à 1,4 % en 2019 (pour 1,1 % d’inflation). Il reste une pierre angulaire de l’épargne financière des Français, cependant il n’est plus l’alpha et l’oméga.
Les Français ne s’y trompent pas : une récente étude de Fidelity International réalisée avec le cabinet Insight AM, visant à évaluer leurs attentes en matière d’épargne et de conseils financiers, révèle que 80 % des épargnants jugent le rendement du fonds en euros insuffisant. Et ils sont 50 % à se déclarer prêts à réagir à une nouvelle baisse des rendements, même si les incertitudes liées au Covid-19 ont mis du trouble dans leur décision.
Cela annonce-t-il une diversification des supports en unités de compte ? Si 48 % des Français que nous avons interrogés sont prêts à augmenter la part des unités de compte dans leur portefeuille, encore faut-il les orienter vers celles dont ils ont besoin et non celles qui les attirent le plus. Attention aux fausses bonnes idées, comme celle consistant à croire qu’un nouveau produit miracle va remplacer l’ancien ! L’immobilier semble un prétendant idéal, peu volatil, d’où une illusion de sécurité, et offrant un rendement élevé, qu’on pourrait croire stable. Mais la collecte toujours solide des SCPI ne doit tromper personne : la capitalisation totale de ce marché, inférieure à 70 milliards d’euros, est très loin d’offrir la même capacité d’investissement que le fonds en euros, sans même parler de liquidité.
« L’impact direct de la crise va être l’injection de liquidités supplémentaires dans le système et des taux encore plus bas »
Long terme. L’autre enseignement, c’est qu’il ne suffit plus de parler de performance avec les clients finaux : ils ont un réel besoin de donner du sens à leur épargne. Cela a deux conséquences, la première étant que l’investissement socialement responsable s’impose de plus en plus comme une norme. Nous pouvons ici nous féliciter que l’industrie financière française soit plutôt en avance sur ce sujet, notamment grâce au label ISR, qui favorise des processus de sélection affirmés. Pour l’adhésion des particuliers à ce type d’investissement, cela reste encore plus timide : ils sont souvent devenus clients de l’ISR par transformation de produits existants plutôt qu’à travers une réelle volonté de leur part.
La crise survient à un moment où l’avenir du fonds en euros était déjà remis en question. Son impact direct va être l’injection de liquidités supplémentaires dans le système et des taux encore plus bas : cela ne peut, là encore, qu’accélérer le mouvement. Les problèmes de court terme rejoignant des nécessités plus structurelles, nous nous trouvons sans doute à l’aube d’un nouvel ordre économique ; avec des modes de fonctionnements résolument orientés vers le long terme, de la part de tous ses acteurs.
Alors qu’il s’agit de favoriser l’appréhension par le client de produits financiers où la garantie en capital ne fait plus partie de l’équation, savoir les informer sur les risques potentiels embarqués dans leur portefeuille est un point essentiel. Notre récente étude tend à démontrer que de nombreux épargnants se sentent insuffisamment armés pour faire face au défi qui les attend. A nous de leur fournir les outils adéquats.
Christophe Gloser, directeur de la distribution européenne de Fidelity International.

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