vendredi 24 avril 2020

ON N'EN RATE PAS UNE



8 500 respirateurs produits en urgence en France inadaptés pour les malades du Covid-19 ? 

Une enquête de Radio France affirme que le modèle choisi par le gouvernement, sur proposition d’Air Liquide, ne peut pas être utilisé dans les salles de réanimation.
Après le fiasco des masques, celui des respirateurs artificiels ? 8 500 des 10 000 appareils produits actuellement en urgence par l’industrie française sont inadaptés aux malades du Covid-19, affirme une enquête de la cellule investigation de Radio France, publiée ce jeudi 23 avril.
Air Liquide, le seul fabricant français de respirateurs artificiels, s’est rapproché fin mars de PSA, Valeo et Schneider Electric pour plancher sur des respirateurs qu’il serait possible de produire en masse et en peu de temps, rappellent nos confrères. La production, elle, a démarré le 6 avril. Une initiative à première vue louable, sauf que le modèle choisi par le gouvernement, sur proposition d’Air Liquide, pose question.
Parce qu’ils nécessitent moins de composants, Air Liquide a en effet proposé de produire majoritairement des respirateurs Osiris 3 – 8 500 précisément, sur les 10 000 appareils promis. Or, ce choix n’est pas sans conséquence : Radio France explique que le modèle Osiris sert en effet à « gérer l’urgence ». Autrement dit, il s’agit d’un appareil « à utiliser dans les ambulances », « mais pas dans les salles de réanimation » !

Effet d’annonce ?

Radio France a consulté plusieurs médecins sur les conditions d’utilisation de ce modèle. Et leur jugement est sans appel. « Ce n’est clairement pas, pour être pudique, un respirateur adapté à la prise en charge d’une détresse respiratoire aiguë compliquée », explique Philippe Meyer, médecin réanimateur à l’hôpital Necker à Paris.
« On a un peu l’impression qu’on a fait un effet d’annonce pour montrer qu’on était capable de produire 10 000 respirateurs. Mais personnellement je n’utiliserais pas un Osiris en réanimation. C’est très clair. »
« Si vous vous en servez pour un syndrome respiratoire aigu, vous avez un risque de tuer le patient au bout de trois jours », met même en garde l’anesthésiste et réanimateur au CHU de Nantes Yves Rebufat. « Au mieux, on peut s’en servir pour transporter un patient une demi-heure pour un scanner, mais c’est le maximum qu’on puisse demander à cet appareil. »
Des critiques qui surprennent Air Liquide. « Le NHS[le système de santé britannique, NDLR]a validé ce modèle pour traiter les patients Covid-19. On peut l’adapter en réanimation moyennant des procédures que nous donnons aux soignants », plaide le service communication de l’entreprise, qui précise que « le choix final de l’Osiris a été fait sur recommandation des experts du ministère de la Santé et de la Société de réanimation de langue française (SRLF) ».

Disponibilité des pièces

Les versions diffèrent toutefois selon les différents acteurs du dossier, souligne Radio France. Contactée,la SRLF « dit tomber des nues ». L’association« n’a pas été sollicitée pour rendre un avis sur quel respirateur privilégier pour une production d’urgence », affirme l’un de ses responsables.
« Le choix a été fait en lien avec le ministère de la Santé, mais aussi en tenant compte de la disponibilité des pièces critiques », explique de son côté le cabinet de la secrétaire d’Etat Agnès Pannier-Runacher. « Se posait la question de produire en un temps record dans un contexte où les chaînes logistiques sont fortement impactées par le ralentissement de l’économie. »
Qui dit vrai ? Reste qu’il est donc probable que les Osiris, dans un premier temps, « serviront à autre chose qu’à soigner des patients Covid-19 », conclut l’enquête de nos confrères. Ce qui n’était pas du tout l’idée initiale.

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