vendredi 27 mars 2020

CORONAVIRUS: QUEL BAZOOKA FISCAL APRES LA GUERRE?


Coronavirus: quel bazooka fiscal après la guerre ?

« Nous sommes en guerre. » Depuis sa première intervention, Emmanuel Macron n’a pas varié dans sa manière de qualifier le combat contre le coronavirus. C’est une guerre. Pour s’en tenir au seul front économique, elle a débuté, c’est classique, par la remise en cause des équilibres budgétaires. A l’heure de l’offensive, la fin justifie les moyens – même la Commission européenne l’admet. Le chaos financier s’alimente à trois sources : 1/des dépenses supplémentaires, notamment pour la santé et le chômage partiel, 2/un arrêt net de la croissance, donc des recettes fiscales amoindries, 3/des reports de prélèvements fiscaux et sociaux pour éviter les faillites en chaînes.

Moratoire. C’est pour l’instant le mot-clé de la réplique fiscale. Objectif : amortir le double choc de l’offre et de la demande qui lamine les entreprises. Ce régime dérogatoire prévoit des délais de paiement d’échéances fiscales, des remises d’impôts directs, un fonds de solidarité… Dans son budget rectificatif, déjà caduc, le gouvernement estime l’évaporation des recettes fiscales à près de 11 milliards. Et la TVA, bras financier armé que Bercy a tenu à préserver, finira aussi par défaillir…

Ce n’est que le début. Le trou fiscal s’annonce abyssal. La France, dont les finances publiques n’ont jamais été assainies en un demi-siècle, et dont le consentement à l’impôt se fragilise à grande vitesse, entre dans un cycle de déficit et de dette d’un genre inédit ou presque. Combien de temps ce voyage en terre inconnue durera-t-il ? Deux options. Un : il s’éternise. Dès lors, l’économiste Christian Gollier a raison, mieux vaudrait que notre économie se transforme en «économie de guerre. » Avec entre autres le rétablissement d’une fiscalité pour les entreprises mobilisées. Deux, l’hypothèse la plus probable : il s’achève avant l’été. Plus vite qu’on ne le croit, une fois établi le terrible bilan humain, se posera une question : qui paiera ?

Qui paiera ? Dans le contexte français, l’interrogation est explosive. Ne l’oublions pas, le financement de la guerre de succession d’Autriche, de la guerre de Sept Ans et de la guerre d’Indépendance américaine ont vidé les caisses du royaume, incité Louis XVI à taxer davantage et participé au déclenchement de la Révolution… Faut-il au plus vite accroître l’impôt des plus riches pour « effort de guerre » ? Faut-il par l’emprunt faire payer la facture (et notamment celle des hôpitaux) aux générations futures ? Dans un livre de 2000, l’ancien ministre et président de Saint-Gobain, Roger Fauroux, écrivait : « C’est moins le poids financier global de la machine étatique qui est scandaleux que son inefficacité par rapport aux objectifs que la nation lui fixe, son refus de se réformer et, brochant sur le tout, une arrogance que rien n’entame. Curieux et inquiétant retour à la fin de l’Ancien régime [...]» Vingt ans déjà, et rien n’a changé sauf la nature de la guerre.

Bon courage à vous tous,
Rémi Godeau
Rédacteur en chef

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