samedi 16 janvier 2021

VERS UN MANQUE D'ELECTRICITE?



 Tribune libre

«L’hiver vient: la France privée d’électricité?» La tribune de 45 députés LR


« Nous ne sommes qu’au début des difficultés d’approvisionnement électrique : celles-ci vont s’amplifier lors des prochaines années. Pour nous mettre à l’abri de coupures à l’avenir nous devons réorienter d’urgence notre politique énergétique », écrivent les élus des Républicains

Le réacteur numéro 1 de la centrale nucléaire de Fessenheim a été définitivement débranché dans la nuit du 21 au 22 février 2020.

Le réacteur numéro 1 de la centrale nucléaire de Fessenheim a été définitivement débranché dans la nuit du 21 au 22 février 2020.

 
© Jean-Francois Badias/AP/SIPA
Vendredi dernier, nous avons tous été incités par Réseau de transport d’électricité (RTE) à réduire notre consommation électrique entre 7 heures et 13 heures, en diminuant par exemple la température de nos chauffages ou en évitant de charger nos téléphones portables. Le but était d’éviter que notre réseau électrique, soumis à un pic de consommation important, ne s’effondre. Un slogan a notamment été mis en avant : si tous les Français éteignent une ampoule, cela reviendrait à 600 Mégawatt gagnés, soit la consommation d’une ville entière comme Toulouse. 

Au-delà du caractère séduisant de la communication, l’aveu est de taille  : voilà donc que la France qui disposait depuis longtemps d’une capacité de production électrique excédentaire et largement décarbonée se retrouve à inciter les Français à réduire leur consommation afin d’éviter une défaillance du système électrique.

Cette précaution est d’autant plus intrigante que ce mois de janvier n’a pourtant rien d’exceptionnel d’un point de vue de la consommation électrique. Au contraire même, celle-ci est plutôt en retrait de 3% par rapport à un mois de janvier classique. De plus, la France a connu des pics bien plus importants  : là où il nous fallait assurer une production de 87 GW vendredi dernier, le 8 février 2012 notre pays avait connu un pic de consommation autrement plus important, à 102 GW.

Cette pointe de consommation, nous avons pu notamment la passer grâce à nos moyens pilotables (hydroélectrique, nucléaire, fossile) qui ont assuré 94,8 % de la production lors de la pointe de vendredi dernier. Les productions intermittentes ont été insignifiantes par rapport à la consommation à la pointe, avec 2,7 % de la consommation.

L’hydroélectrique en particulier nous a permis d’affronter ce pic de consommation, mais les réserves constituées ayant été largement utilisées pour faire face à cette demande, cette énergie ne sera pas disponible au même niveau pour d’éventuels autres pics.

De façon un peu rapide et directe, cette tension sur notre réseau s’explique par le fait qu’une partie de notre parc électronucléaire est indisponible. En effet, des opérations de maintenance ou de chargement de combustible qui auraient normalement dû se dérouler au printemps n’ont pas pu être réalisées du fait du premier confinement. Celle-ci ne pouvant plus être retardées, et malgré les ajustements réalisés par EDF, il est aujourd’hui nécessaire de retirer momentanément du service certains réacteurs. Le gouvernement a désormais bon dos de s’abriter derrière cet argument, lui qui est censé s’assurer du bon approvisionnement énergétique de notre pays.

Une autre explication, plus globale, relève de la politique énergétique qui est menée dans notre pays, en faisant le choix de privilégier le développement des énergies électriques renouvelables intermittentes, au détriment des énergies dites pilotables.

Marges pilotables. Depuis 2012, les capacités de production pilotables ont en effet été réduites de 10 % : la puissance du parc charbon a été divisée par deux depuis 2015, celle du parc fioul par trois ; en 2020, les deux réacteurs nucléaires de Fessenheim ont été définitivement arrêtés… Notre système électrique est désormais « sans marge », pour reprendre les mots de l’ancien président de RTE, François Brottes.

Cette situation n’augure par ailleurs rien de bon en cas de nouveau confinement au milieu de l’hiver. Rappelons que jusqu’ici la France n’a connu que deux confinements qui se sont déroulés à des périodes où les températures étaient relativement clémentes. Si un troisième confinement devait intervenir en février, soit le mois le plus à risque en termes d’approvisionnement électrique cette année selon RTE, nous évaluons mal aujourd’hui quel serait l’impact sur le réseau électrique. Conjugué à des températures en dessous des normales de saison, le risque de devoir recourir à des coupures de courant serait d’autant plus important.

Nous savons par exemple que lors du premier confinement, à conditions météorologiques équivalentes, la consommation électrique française globale a diminué de 10 à 15%, alors que la consommation électrique du secteur résidentiel augmentait-elle de 4%. Quel serait l’impact d’un confinement en plein hiver où une grande partie des Français seraient contraints de travailler depuis chez eux, mettant en marche leurs appareils de communication et leurs chauffages ? Ceci d’autant que notre système électrique est très thermo-sensible, notamment du fait d’un parc important de chauffage électrique  : chaque degré Celsius que l’on perd sur le thermomètre extérieur entraîne la mise en route de (l’équivalent de) plus de deux réacteurs nucléaires !

Nous ne sommes qu’au début des difficultés d’approvisionnement électrique  : celles-ci vont s’amplifier lors des prochaines années. En effet, l’Allemagne va supprimer 10 à 16 GW de production pilotable, soit deux fois ce que nous lui importons aujourd’hui pour faire face à l’hiver.

Pour nous mettre à l’abri de coupures à l’avenir, nous devons réorienter d’urgence notre politique énergétique. Il est ainsi nécessaire d’une part d’accélérer les rénovations énergétiques des bâtiments, pour atténuer la consommation en hiver, et d’autre part de renforcer nos moyens de production pilotables décarbonés, comme le nucléaire et l’hydroélectrique, plutôt que de privilégier le développement des énergies renouvelables intermittentes.


Julien Aubert est député du Vaucluse (auteur) ; Damien Abad, député de l’Ain, président du groupe Les Républicains ; Emmanuelle Anthoine, députée de la Drôme ; Édith Audibert, députée du Var ; Thibault Bazin, député de Meurthe-et-Moselle ; Émilie Bonnivard, députée de la Savoie ; Jean-Yves Bony, député du Cantal ; Bernard Bouley, député de l’Essonne ; Sylvie Bouchet-Bellecourt, députée de Seine-et-Marne ; Xavier Breton, député de l’Ain ; Bernard Brochand, député des Alpes-Maritimes ; Fabrice Brun, député de l’Ardèche ; Jacques Cattin, député du Haut-Rhin ; Gérard Cerpion, député des Vosges ; Dino Cinieri, député de la Loire ; Éric Ciotti, député des Alpes-Maritimes ; Pierre Cordier, député des Ardennes ; Vincent Descoeur, député du Cantal ; Jean-Pierre Door, député du Loiret ; Virginie Duby-Muller, députée de la Haute-Savoie ; Philippe Gosselin, député de la Manche ; Yves Hemedinger, député du Haut-Rhin ; Michel Herbillon, député du Val-de-Marne ; Patrick Hetzel, député du Bas-Rhin ; Brigitte Kuster, députée de Paris ; Véronique Louwagie, députée de l’Orne ; Emmanuel Maquet, député de la Somme ; Olivier Marleix, député d’Eure-et-Loir ; Jérôme Nury, député de l’Orne ; Bernard Perrut, député du Rhône ; Bérengère Poletti, députée des Ardennes ; Didier Quentin, député de Charente-Maritime ; Alain Ramadier, député de Seine-Saint-Denis ; Robin Reda, député de l’Essonne ; Frédéric Reiss, député du Bas-Rhin ; Antoine Savignat, député du Val-d’Oise ; Raphaël Schellenberger, député du Haut-Rhin ; Jean-Marie Sermier, député du Jura ; Guy Teissier, député des Bouches-du-Rhône ; Robert Therry, député du Pas-de-Calais ; Laurence Trastour-Isnart, députée des Alpes-Maritimes ; Isabelle Valentin, député de la Haute-Loire ; Arnaud Viala, député de l’Aveyron ; Jean-Pierre Vigier, député de Haute-Loire ; Stéphane Viry, député des Vosges. 

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