jeudi 10 septembre 2020

LE PLAN DE RELANCE

 


Plan de relance: les clefs de la réussite

C’est un contre-la-montre de 600 jours dans lequel se lance Emmanuel Macron. Principal défi pour le chef de l’Etat : réussir à engager les 100 milliards d’euros de « France Relance » en deux ans pour retrouver fin 2022 le niveau de richesse d’avant-crise




Les faits-Le gouvernement présente ce jeudi le plan de relance de l’économie française à 100 milliards d’euros, baptisé « France Relance ». Trente milliards d’euros seront consacrés au verdissement de l’économie, 35 milliards à la compétitivité et à la relocalisation des entreprises et 35 milliards dédiés à la cohésion sociale et territoriale du pays. Avec une priorité : engager le maximum de fonds d’ici 2022. Un vrai défi.

Après un léger retard à l’allumage, le plan de relance de 100 milliards d’euros est sur la rampe de tir. Le Premier ministre en détaille le contenu ce jeudi matin dans la matinale de RTL avant de tenir une conférence de presse après le conseil des ministres. Un plan de 4 points de PIB – le plus important des pays européens par rapport à la richesse nationale, insiste Matignon – dont l’objectif est double : relancer l’activité à court terme mais aussi préparer la France de 2030.

Les fonds seront répartis en trois tiers inégaux. Trente milliards pour le verdissement de l’économie dans les transports, la rénovation des bâtiments, les énergies renouvelables ou l’agriculture. trente-cinq milliards d’euros pour l’amélioration de la compétitivité des entreprises et la relocalisation. Et 35 milliards pour renforcer la cohésion sociale et territoriale du pays, avec un plan pour l’emploi des jeunes de 6,7 milliards d’euros, la mise en place d’une activité partielle de longue durée pour lutter contre le chômage (7,6 milliards) et le renforcement de la formation professionnelle (1 milliard).

Bazooka. Ce bazooka financier sera réparti entre plus de 70 missions, qui devront être déployées sur le territoire en un temps record : deux ans. A titre de comparaison, les 57 milliards d’euros des programmes d’investissements d’avenir (PIA) n’ont toujours pas été entièrement consommés, dix ans après le lancement du PIA 1. Pour être efficace, il va falloir faire vite, très vite. Un vrai défi pour l’Etat.

« La condition de la réussite du plan tient à la rapidité d’exécution, confirme Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance. Des moyens importants ont été mis sur la table, et ce sera la dernière fois avant longtemps. Maintenant, il faut que l’argent se retrouve dans les caisses des entreprises. »

Pour cela, la banque publique d’investissement jouera un rôle majeur : dans le domaine de la transition écologique et de l’industrie du futur, elle fléchera l’argent du plan vers les entrepreneurs (TPE, PME, ETI), sous forme de subventions et de prêts. Pour les grandes entreprises, les collectivités locales, l’investissement dans les infrastructures, c’est la Caisse des dépôts (CDC) qui s’en chargera. A chaque fois, la plupart de leurs véhicules d’investissements spécialisés existaient déjà. Bpifrance utilisera par exemple son « canon à cash », créé en avril, qui permet aux très petites entreprises d’obtenir un prêt 100 % en ligne. « C’est un instrument fantastique pour envoyer de l’énergie dans l’économie », se félicite son dirigeant.

Reste à trouver les bons projets. La CDC souhaite réaliser 80 % de son programme d’investissement en deux ans. « Il faut mettre le paquet sur 2021, comme quand vous soufflez dans une sarbacane », ajoute Nicolas Dufourcq. Le dirigeant est confiant : « Nous avons déjà un pipeline très élevé de projets que nous sommes en train d’instruire. Quand on voit tous les dossiers qui nous sont présentés, on a de quoi combler les enveloppes assez vite. »

La CDC a ainsi identifié 30 000 logements à bâtir sur les 40 000 qu’elle entend financer. Elle créera une centaine de foncières pour soutenir les commerces des centres-villes, en a une en gestation avec la région Pays de la Loire pour acheter les murs des entrepreneurs du tourisme en difficulté. Elle travaille déjà sur un projet d’installation d’infrastructures de recharge pour véhicules électriques. « Dans la rénovation thermique, on est plutôt au début, nous allons passer à un rythme plus soutenu pour trouver des projets », ajoute Eric Lombard, directeur général de la CDC. Il cherche notamment des Ehpad à rénover.

Contractualisation. Les régions, qui n’ont pas été associées à la création du plan de relance, attendaient sa présentation officielle pour faire remonter leurs besoins. De premiers échanges ont récemment eu lieu avec l’exécutif. L’Association des régions de France (ARF) signera la semaine prochaine une contractualisation, programme par programme avec l’Etat. « Nous espérons un accord sur la compensation partielle de nos pertes de ressources en 2021 [dues notamment à la baisse des impôts de production, ndlr] », indique François Bonneau, vice-président de l’ARF et président de la région Centre Val de Loire, qui y voit une condition à la participation des régions à la relance.

Dans les Hauts-de-France, on aimerait bien moderniser des abattoirs, indique-t-on au cabinet de Xavier Bertrand. A Paris, Anne Hidalgo a besoin de deniers pour assainir la Seine à temps en vue des Jeux olympiques de 2024, ou encore pour rénover la petite ceinture. L’Etat répondra présent.

Mais attention : pas question d’utiliser l’argent du plan de relance pour réparer les dégâts du confinement. Ca, c’est le rôle des prêts garantis par l’Etat. « Notre devoir, c’est de ne pas investir dans une entreprise qui n’a pas d’avenir car elle n’a pas fait les bons choix stratégiques », explique Eric Lombard. « La philosophie du plan de relance n’est pas du tout curative, c’est une philosophie de projection vers le futur, insiste Nicolas Dufourcq. Nous préparons France 2030. »

Quant aux objectifs numériques, la Caisse en a choisi des très précis : nombre de nouveaux logements, nombre de véhicules propres, de réseaux de transports publics à l’hydrogène, à l’électricité ou au gaz naturel, nombre de gigawatts produits grâce aux énergies renouvelables. « C’est plus compliqué dans le soutien aux entreprises, précise Eric Lombard. On regardera les montants investis et le nombre d’entreprises où ils atterrissent, il faut que les entrepreneurs régionaux les reçoivent, pas seulement les grosses PME ou ETI ».

Limbes. Pour éviter que tout cet argent n’arrose le désert ou ne se perde dans les limbes des ministères, Bercy gérera seul le pilotage budgétaire du plan. Le Premier ministre suivra très régulièrement l’état d’avancement des programmes. « Si telle université ne respecte pas le calendrier des travaux de rénovation de ses bâtiments, les fonds pourront être redirigés vers une autre », explique une source gouvernementale.

L’objectif est d’engager 30 milliards du plan de relance en 2021 (dont 10 milliards de baisses d’impôt de production). « Un objectif ambitieux », reconnaît-on au ministère. Pour y arriver, des mesures de simplification administrative sont en préparation, comme le relèvement des seuils pour les appels à projet à 70 000 euros par exemple. De jeunes énarques, « sous-préfets à la relance », seront par ailleurs détachés auprès des préfets de région pour lever les blocages administratifs et faire remonter directement à Paris les problèmes rencontrés sur le terrain. Les régions seront par ailleurs associées aux comités locaux de suivi du plan, placés sous l’autorité des préfets. Ce meccano administratif saura-t-il répondre aux exigences de la crise ? Réponse en 2022.

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