mercredi 2 septembre 2020

LA LIBERTE, UNE CAUSE PERDUE?

 L'ÉDITO DE L'OPINION

Procès Charlie Hebdo et Hyper Cacher

Charlie Hebdo: la liberté, une cause perdue?

Par Rémi GODEAU
Rémi Godeau

« Ma malheureuse cliente sera la liberté et je crains qu’à moyen terme ce ne soit une cause perdue. » A la veille du procès des attentats de janvier 2015, il faut lire Richard Malka. L’avocat de Charlie Hebdo raconte dans Le Point comment en quinze ans la liberté d’expression et le droit au blasphème se sont rabougris, jusqu’à miner les valeurs fondatrices de cette République dont on va célébrer vendredi les 150 ans du rétablissement. Et il n’a pas de mots assez durs pour stigmatiser les dérives d’une gauche extrême perdue dans ses combats identitaires.

Dans la même veine, pour justifier l’arrêt de la revue Le Débat, Pierre Nora constate la difficulté de toute réflexion sur l’actualité, « sans servir de cause », quand « les sensibilités des communautés et des minorités imposent leurs revendications. » Lancé en 1980 avec la fin des intellectuels révolutionnaires, le bimestriel n’aura pas résisté à l’essor des nouvelles radicalités pour lesquelles la logique d’appartenance l’emporte sur la confrontation des points de vue.

Incomparables bien sûr, ce sabordage germanopratin et le contexte politique autour du procès de l’horreur terroriste alertent sur le même affaissement démocratique. Suspicions incessantes en islamophobie, dévoiement de l’histoire, instrumentalisation de la question coloniale, rhétorique de la victimisation et de l’humiliation, repli racisé… L’«identitairement correct» rend suspect, pour ne pas dire coupable, voire illégitime, tout ce qui est censé unir la nation. Sous la mitraille, la fabrique à consensus déraille, le bannissement détrône le pluralisme, la société se fragmente, les médias se polarisent, la politique se décompose et la censure, souvent associée à un moindre mal, progresse. Comme si la liberté pouvait être conditionnelle – assez !

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