samedi 2 mai 2020

LE MONDE D'AVANT EN PIRE?

Laurent Joffrin
La lettre politique
de Laurent Joffrin

Le monde d'avant, en pire ?

Comme on pouvait le prévoir, les mauvaises nouvelles économiques (et donc sociales), tombent comme à Gravelotte. Récession inédite aux Etats-Unis et en Allemagne, encore plus forte en France, ralentissement mondial inéluctable, plans de licenciement à venir, hausse du chômage déjà forte. Comme on l’a déjà écrit dans cette lettre, le «monde d’après» fera peu de place aux lendemains qui chantent. Il risque même de ressembler furieusement, à court terme en tout cas, au monde d’avant, mais en pire.
D’autant que la crise économique ne succédera pas à la crise sanitaire : les deux iront de pair. Tant qu’un vaccin n’aura pas écarté la menace, l’effort productif restera handicapé par les mesures de précautions multiples qu’il faudra observer pour ne pas provoquer une nouvelle submersion du système hospitalier et pour limiter les pertes humaines.
Ces restrictions de l’offre se doubleront sans doute d’une restriction de la demande : l’argent que les Français n’auront pas dépensé pendant le confinement risque de se changer, non en achats, mais en épargne de précaution. Quand des millions de gens craignent pour leur emploi, ils ne sont pas enclins à la dépense. A cela s’ajoutera la situation désastreuse de secteurs entiers, comme la culture, les transports aériens, le tourisme, les bars et les restaurants – tout ce qui concourt, en fait, aux agréments de la vie – où beaucoup d’entreprises en viennent à se dire qu’elles ne passeront pas, non l’hiver mais l’été.
Dans l’urgence, les institutions réagissent, personne ne peut leur dénier une certaine présence d’esprit. Les gouvernements volent au secours de l’économie en multipliant les subventions ou les crédits, l’Europe, après une hésitation initiale, prend peu à peu la mesure de la situation, elle prévoit un plan de relance massif et un début de solidarité entre nations fortes et moins fortes. Les banques centrales, dont la BCE, têtes de turc habituelles des extrêmes, ont brisé les idoles et actionné sans retenue la planche à billets (ce ne sont pas des billets, mais des lignes de crédit informatiques) pour éviter l’enchaînement fatal des défauts de paiement.
A partir de là, le débat politique reprend ses droits. Deux orientations sont possibles :
- Compenser autant que possible les pertes en maintenant en l’état la structure de l’économie et l’architecture du système social et fiscal ; ce sera le réflexe du centre et de la droite, aiguillonnés par le patronat conservateur. Déjà, en France, on exclut toute contribution supplémentaire des classes favorisées au nom de la motivation des «premiers de cordée» et on réclame assouplissements du droit du travail, allègement des normes environnementales, allongement de la durée du travail.
- Ou bien s’efforcer de conjuguer relance et transition écologique, retour à l’activité et redistribution en faveur des plus menacés par la crise, rétablissement des échanges et reconquête d’une souveraineté industrielle minimale. Là encore, le «monde d’après» ne changera pas tout seul. Comme pour le monde d’avant, son avenir dépendra d’un combat politique, patient et ardu.
Laurent Joffrin

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