mercredi 13 mai 2020

COMMENT L'ETAT S'EST REVELE DEFAILLANT.



Coronavirus: comment l'Etat s’est révélé défaillant 



Les grandes épreuves sont toujours des moments de vérité pour les peuples et les pays. L'épidémie de Covid-19 en dit long sur les Français et la France. Etat des lieux de l'Hexagone en fin de confinement. 


"J'ai d'instinct l'impression que la Providence a créé la France pour des succès achevés ou des malheurs exemplaires." Entre ces deux chemins que le général De Gaulle, dans ses Mémoires de Guerre, imagine pour le pays, lequel va-t-il choisir alors que se referme  le premier chapitre de cette pandémie planétaire ? Rebond ou abandon ? La fin du confinement marque les retrouvailles des Français avec la première des libertés, celle d'aller et venir. Certes, bien des contraintes l'encadrent encore, mais il ne tient qu'à leur comportement désormais pour qu'elle devienne plus grande encore. 

L'enfermement qu'ils ont connu pendant huit semaines va-t- il les conduire à jouir sans entrave de cette liberté retrouvée ou à faire preuve d'un esprit de responsabilité, seule manière de montrer à ceux qui les gouvernent qu'ils ne sont pas les sujets indisciplinés d'un Etat prompt à les placer sous tutelle? Le respect du confinement dont ils ont fait preuve dément en tout cas cette indiscipline qu'on leur croit naturelle. Certes, il y a pu avoir quelques accrocs mais, dans son immense majorité, le peuple français a été exemplaire malgré les contradictions multiples d'un pouvoir qui aurait pu y perdre toute autorité.
Mensonges et demi-vérités


En dehors du confinement, le maintien maîtrisé de la chaîne alimentaire en est aussi l'illustration. Les risques de dérapage étaient d'autant plus réels que les mensonges ou les demi-vérités de l'exécutif sur les masques, les tests, les respirateurs ont fait naître un très fort climat de méfiance. Une enquête Cevipof-Ipsos-Steria, publiée le 4 mai, menée dans plusieurs pays, montre que nos dirigeants recueillent un taux de satisfaction pour leur gestion de la crise de 38% seulement alors que partout ailleurs la satisfaction est majoritaire (74% en Allemagne, 55% en Italie, 61% en Grande-Bretagne malgré les pitreries de Boris Johnson au début de l'épidémie). Emmanuel Macron est le seul chef d'Etat avec l'improbable Donald Trump (47%) à ne pas être soutenu par plus de 50% de sa population. Son Premier ministre, Edouard Philippe, qui a montré plus de savoir-faire dans sa communication, le devance même de 6 points dans la baromètre Ifop-Fiducial-Paris-Match du 5 mai avec 46 % de satisfaits (+3 ) contre 40% (-6).

Cette crise de confiance n'a pas pour autant conduit les Français à se comporter en Gaulois. Ils râlent dans les sondages, néanmoins ils respectent les règles. Autant sans doute par peur du virus que par civisme militant. Alors que, dans les pays de l'OCDE, 36% en moyenne des personnes interrogées se déclaraient confiantes envers les autres en 2013,  elles n'étaient guère plus de 20% en France. Cet esprit de méfiance éclaire la crainte du virus. Un sondage YouGov, réalisé fin mars, montre que l'inquiétude en France était alors beaucoup plus grande qu'ailleurs. Conjuguée à un esprit de responsabilité prouvé par le confinement, cette prudence angoissée peut être un atout  pour réussir la sortie progressive de l'enfermement.
Machine bureaucratique française


Le chacun pour soi pourrait devenir un chacun pour tous avec la semi-liberté accordée ce lundi 11 mai. Car rien d'autre que leur santé ne préoccupe aujourd'hui les Français. Ils pressentent la crise économique brutale et le chômage massif qui s'avancent mais ils n'en font pas leur priorité. Habitués à l'Etat Mamma, peut-être s'en remettent-ils à lui pour les tirer alors d'affaires. En sera-t-il capable ? La crise sanitaire a montré ses carences et son impotence bureaucratique. Plus que le pouvoir, c'est l'Etat qui défaille dans cette crise. Imprévoyance, lourdeurs, absence de  moyens, il s'est montré tel qu'il est. A bout de souffle, englué dans ses habitudes, ses multiples hiérarchies, ses querelles et sa paperasse. Il a sauvé la face grâce au dévouement de tous les soignants mais c'est une illusion comme le montre le bilan meurtrier de l'épidémie à ce jour : la France est l'un des pays les plus cruellement touchés. Tout y a fait défaut. Alors que le facteur temps, c'est-à-dire la conjugaison de la réactivité et de l'efficacité, était essentiel face à  l'épidémie, et  l'est encore, tout a traîné. Le pouvoir n'aura pu faire ses preuves qu'avec la mise en place du chômage partiel que l'on aurait pu appeler - les mots disent tout -  travail à temps partiel ! Pour le reste, sans cibler les fonctionnaires, pris eux-mêmes dans les rouages du système, tout a été géré par une machine bureaucratique qui fonctionne en boucle.

L'incarnation de cette obésité est l'organigramme de notre appareil de santé publique ! Il compte : un ministre de la Santé ; un directeur générale de la santé ; un directeur de la Haute autorité de la santé;  un directeur de l'Agence nationale de sécurité sanitaire ; un directeur de l'Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé ; un Centre national de recherche scientifique en virologie moléculaire ; une Agence nationale de Sécurité du médicament et de la santé, etc, etc. ! Un inventaire à la Prévert que l'on retrouve dans bien d'autres administrations alourdies par la prolifération de coûteuses autorités administratives indépendantes.
Etat dispendieux


Au-delà de ces méandres  plus dignes de Kafka que de Courteline, cette crise montre surtout qu'un Etat dispendieux comme le nôtre, qui entend traiter de tout, est devenu peu efficace. D'ores et déjà, il apparaît que la France, selon les prévisions économiques de la Commission de Bruxelles du 6 mai, sera dans l'UE le 24e pays le plus touché avec une chute du PIB de 8,2%, juste devant les trois derniers de la classe (l'Espagne, l'Italie et la Grèce). La faute à qui ? Au virus d'abord, mais aussi aux choix faits et à des faiblesses chroniques. L'Etat est devenu trop lourd pour créer un vrai sursaut. Il va donc falloir que les Français surmontent leur peur, se retroussent les manches et trouvent en eux-mêmes "le génie du renouveau" dont parlait le général de Gaulle.

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