dimanche 12 janvier 2020

POUJADE SEME LA PANIQUE



Le 12 janvier 1956, aux cris de « Sortez les sortants », 52 députés font leur entrée à l'Assemblée nationale, à Paris... Deux ans plus tard, la V° République « sortira » tout le monde !

Artisans ou commerçants originaires des petites villes et du monde rural, les nouveaux députés se réfèrent à un chef de file charismatique, Pierre Poujade. Il les a lancés à l'assaut de l'Assemblée en négligeant, lui-même, de se faire élire député.

Grève de l'impôt

Tout a commencé deux ans et demi plus tôt quand, le 22 juillet 1953, Pierre Poujade (33 ans), papetier-libraire et conseiller municipal de Saint-Céré (Lot), organise la première - et dernière - grève de l'impôt de toute l'histoire républicaine.

Affiche de Pierre Poujade, © Archives départementales du Var, DR.L'enfer étant pavé de bonnes intentions c'est, paradoxalement, une amnistie fiscale - celle décrétée par Antoine Pinay en 1952 - qui a provoqué la jacquerie. Subitement désoeuvrés, les « polyvalents », comme on les appelle alors, ont en effet concentré leur zèle sur une proie facile : le petit commerce confronté à l'éclosion des premiers drugstores et autres Prisunic.

Les contrôles pleuvent, les redressements et les faillites aussi. On se plaint, on paye, on se suicide. Jusqu'à ce jour d'été de 1953 où, dénonçant la « Gestapo fiscale », Pierre Poujade, dit « Pierrot », prend la tête de 23 commerçants de Saint-Céré menacés d'un contrôle fiscal.

Un pour tous, tous pour un : chacun fait de son corps un rempart pour empêcher les agents du fisc d'accéder au magasin de l'autre. Le soir, les fonctionnaires des impôts repartent bredouilles, sous les quolibets.

L'échauffourée de Saint Céré met le feu à la plaine : en quelques semaines, soixante départements connaissent des incidents similaires. On envoie les CRS ; rien n'y fait. La population s'interpose pour protéger ses commerçants ! De Lille à Marseille et de Strasbourg à Bordeaux, le nom de Poujade devient synonyme de résistance au fisc. On le consulte comme un oracle, on requiert sa présence, on se masse pour l'écouter.

Avec l'accent rocailleux de son Lot natal, Pierre Poujade dénonce de meetings en meetings l'exploitation des « petits » et des « bonnes gens » par les « soupiers » de l'« État vampire », la mise en coupe réglée de la «maison France» par des « éminences apatrides » qu'il faut «pendre haut et court».

Commando sans boussole

Quand, le 29 novembre 1954, il fonde l'Union des commerçants et des artisans (UDCA), celle-ci revendique 500 000 adhérents. Et tout naturellement, lorsque le président du Conseil Edgar Faure dissout la Chambre et provoque des élections anticipées, en 1955, elle décide d'aller aux élections sous une étiquette créée ad hoc : Union et Fraternité française (UFF). Pour « instaurer » une dictature comme l'en accusent les communistes et les partis du système, subitement réconciliés face à l'intrus ? Non, pour obtenir une « réforme fiscale » qui permette au petit commerce d'« échapper à sa disparition programmée » !

La droite perd le pouvoir mais la gauche, qui le récupère en envoyant Guy Mollet à Matignon, ne dispose que d'une majorité relative. Les 2,5 millions de voix du mouvement Poujade (11,5% des votants à l'échelon national) ont cassé le jeu : jusqu'au retour au pouvoir du général de Gaulle, aucun gouvernement ne durera, en moyenne, plus de six mois !

[d'après un article d'Éric Branca (Valeurs actuelles)]

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